mardi 25 octobre 2016

Peindre avec le temps

Georges Braque expliquait que le temps était un composant actif dans l'élaboration d'une toile. Il en voulait pour preuve ce récit : après avoir travaillé longtemps sur une peinture sans parvenir à la satisfaction, Braque, quelque peu frustré, avait pris sa toile pour la déposer par terre face au mur.
Quelques jours ou semaines plus tard, il la reprit pour l'examiner. Il découvrit -à sa grande surprise- que le tableau était désormais achevé. Il n'y avait évidemment aucun Lutin ou bon génie au service occulte de Braque. Non. Le seul génie à l'œuvre était sa capacité créatrice. Par simple évolution de sa pensée, Braque put considérer le tableau comme achevé, tel quel.
L'explication du phénomène est bien simple. Tous les Salons du temps des Impressionnistes et au-delà l'ont vu à l'œuvre. Dans un premier temps, l'esprit rechigne à considérer l'inconnu, l'étrange, l'étranger comme familier. Son instinct de préservation mettra en œuvre un processus de rejet, en provoquant un scandale par exemple.
Mais, petit à petit, si l'objet n'a pas été détruit ou si d'autres, semblables, ont réussi à émerger, c'est l'effet inverse qui se produit, soit par apprivoisement, soit par assimilation. Là aussi, le temps fut le maître d'œuvre de la réussite.

Cette longue introduction est là pour m'aider à raconter ce qui m'est arrivé lors de la réalisation de l'invitation n° 11. La composition entière tend à amener le regard vers le visage. Ce dernier doit donc être suffisamment intéressant pour mériter l'effort d'attention du spectateur. Mais comment faire ? Le regard est baissé, le visage est au tiers caché. Reste la chevelure.
Comment la rendre intéressante et expressive sur une si petite surface ?
On voit sur les premières reproductions que j'amoncelle des couches de peinture, cherchant le mouvement, le volume, la luminosité et ceci jusqu'au point où la surface est manifestement surchargée. Il me reste alors l'alternative de blanchir la surface avec une couche supplémentaire ou alors d'essayer de laver progressivement les couleurs en faisant une peinture par retrait. J'ai mis en œuvre cette dernière option pour obtenir ceci [tableau]
L'effet tel quel serait acceptable si un trait presque continu n'entourait la surface, transformant ma peinture en dessin. Il allait falloir chercher encore.
Quelques jours après j'étalai grossièrement à la spatule des jus très dilués de mes trois couleurs primaires, avec des traces de blanc ici et là. Dans un premier temps, le résultat me parut inacceptable. J'étais très déçu. Peu après, il me sembla que j'avais peint une sous-couche très intéressante à développer. J'étais heureux de cette perspective. Au moment où j'écris ces lignes, j'en suis venu à penser que cette chevelure était finalement telle que je la désirais sans le savoir vraiment !
Peut-être n'approuverez-vous pas mon choix.  Revenez le voir dans quelque temps, vous et lui serez peut-être apprivoisés.
Pour voir Le tableau entier (invitation n°11 tempera sur Arches 76x56cm)

And now, the english version by Christina


Georges Braque explained that "time" was an active component in the development of a canvas. He proved his allegation this way : after working a long time on a
première version ...en attente
painting without achieving satisfaction, Braque somewhat frustrated, placed his canvas on the floor facing the wall. A few days or weeks later, he went to examine it. He discovered -to his great surprise- that the painting was now completed. There was obviously no goblin nor good wizard working in secret for Braque. No. The only genius at work was his creative ability. By simple evolution of thought Braque could consider the picture complete as it was.
The explanation of the phenomenon is simple. All the Salons, from the time of the Impressionists and beyond, have seen it at work. First, the mind boggles to consider the unknown, the odd, the stranger as familiar. His instinct of preservation will implement a rejection process, causing a scandal for example.
But gradually, if the object has not been destroyed, or if others, similar, managed to emerge, the opposite effect occurs, either by taming, or by assimilation. Again, time was the architect of success.

This long introduction is here to help me tell what happened to me when making the Invitation No. 11. The entire composition tends to bring the look toward the face.This latter should be interesting enough to deserve the viewer's attention effort. But how to do it ? The gaze is down, one third of the face is hidden. Only the hair remain. How to make it interesting and expressive on such a small area?
We saw on the first reproductions of paintings that I piles up layers, seeking movement, volume, brightness, and this to the point where the surface is clearly overloaded. It remains then the alternative to bleach the surface with an extra layer or eventually try to gradually wash the colors making a painting by withdrawal. I implemented this last option to get this [painting]
La version définitive
The effect as it is would be acceptable if an almost continuous dash wasn't surrounding the area, transforming my painting into a drawing. One had to search further.
A few days later, I spread roughly with a spatula some very diluted juice of my three primary colors, with traces of white here and there. At first, the result seemed unacceptable. I was very disappointed. Soon after, it appeared that I had painted a sub-layer very interesting to develop. I was happy of that perspective. At the time I write this, I have come to think that this hair was finally as I wanted it to be, without knowing it really!
You may, or not, approve my choice. Come back to see it in a while, and maybe you'll tame it.
To see the entire painting (Invitation No. 11 tempera on Arches 76x56cm)

lundi 19 septembre 2016

Quelle est la couleur de la vie ?


On me posa récemment la question suivante :
- Comment fais-tu pour ne pas être influencé par les couleurs du modèle par faire ta peinture?
La réponse est assez simple, bien qu’approximative. Je garde en effet toute latitude de quitter les sentiers battus.
Je la transcris dans cet article de blog en tant que résumé du processus créatif technique. J'insiste sur le terme «technique» car il intervient dans la création d'un tableau une foule d'ingrédients évolutifs, depuis un certain état d'esprit général jusqu'aux conditions météorologiques, en passant par l'humeur proprement dite du peintre ! Dans ce tableau je n'utilise que deux couleurs : une couleur d'atmosphère générale (servie soit comme imprimatura, soit pour ébaucher les premières zones d'ombre) et du blanc pour les lumières.
Ensuite je prends une nouvelle couleur qui correspondra à un critère de ressenti : chaud, froid, dynamique, calme, sombre, inspiré, rassurant,etc.
Ensuite je reprends les lumières avec le blanc.
Il m'arrive aussi d'utiliser le blanc comme voile sur tout ou partie de la surface, dans le but de modifier en profondeur la zone recouverte. Les reprises s'effectuent ainsi de suite, jusqu'à ce que j'interrompe le processus créatif.
On se trouve donc en présence d'un processus alternant le chaos et la lumière en tant que vecteurs de créativité. Simple, si ?
Les couleurs appellent, relativement tôt dans le processus, une harmonisation; de plus, elles forment (grâce au clair-obscur entre autre) des structures qui permettent à l'image de profiter d'un axe d'expression supplémentaire.

Attention, cependant. Je ne me contente  pas toujours de cette façon de monter mes couleurs. En effet, la tendance à «virer» au brun ou gris-boue est à prendre au sérieux assez vite, en particulier lors de la superposition des glacis. Ainsi, la recherche d'harmonie devient-elle aussi partie prenante de l'expression poétique du peintre.

Il y a encore une difficulté à laquelle je me trouve confronté. A certaines périodes de l'année, La seule façon d'avoir de la lumière sur mes travaux est d'utiliser un éclairage artificiel.
Malgré les progrès réalisés par les fabricants d'ampoules type «lumière du jour», les couleurs sont difficiles à distinguer très précisément, en particulier dans les valeurs extrêmes, tant claires que foncées. Pas de solution miracle : on corrige à la lumière du jour les inexactitudes commises sous les lampes. Avec la pratique, dans les demi-teintes plus particulièrement, on parvient à s'adapter... en attendant l'été.
MAIS
Un peintre tel que Pierre Bonnard utilisait volontairement l'éclairage artificiel, même en tant que sujet de sa peinture. Encore plus fort: il peignait en punaisant ses toiles directement contre le papier-peint collé au mur. Il préférait cela car il pouvait ainsi tenir compte du contexte dans lequel les tableaux seraient vus finalement. Plus les papiers-peints étaient chamarrés, mieux cela se passait, car la cacophonie visuelle devenait si forte qu'elle finissait par ne plus être prise en compte en détail par le cerveau.
Ceci dit, je me souviens que j'aime utiliser les phénomènes liés au chaos. Ces changements de lumière pourraient très bien être intégrés comme «conditions initiales» auxquelles le tableau, ou au moins le peintre, serait extrêmement sensible.
Invitation lisière - borde - edge n° 15
[tempera sur Arches 76 x 56 cm]

Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais pour ma part je trouve ces voies chaotiques de mieux en mieux acceptables en situation de créativité.

English translation by Christina

Recently I was asked the following question:
- How do you avoid being influenced by the colors of the model while doing your painting?
The answer is quite simple, although approximate. I shall indeed keep the liberty to leave the beaten tracks. I transcribe it in this blog article as a summary of the technical creative process. I emphasize the word "technical" because it is involved in the creation of a painting many ingredients going from the general state of mind up to the weather conditions, passing by the actual mood of the painter ! In this painting I use only two colors: a general atmosphere color (served either as imprimatura or to draft the first gray areas) and a white for the lights.
Then I take a new color that will match a feeling criteria: hot, cold, dynamic, quiet, dark, inspirational, comforting, etc. Then I push up the lights with the white.
Sometimes I use some white as a veil on the entire surface, in order to fundamentally change the covered area. And I carry on like this until I interrupt the creative process.
We are thus in the presence of a process alternating light and chaos as creative vectors. Simple, no?
The colors require, relatively early in the process, an harmonization; moreover, they form (thanks to the chiaroscuro among others) structures that allow the image to benefit from an additional axis of expression.

Be careful, though. I am not always satisfied with that way of mounting my colors. Indeed, the tendency of "turning" toward brown or gray-mud is to be taken seriously rather quickly, especially when layering glazes. Thus, the search for harmony also becomes part of the painter' poetic expression.

There is still another difficulty to which I feel confronted. At certain times of the year, the only way to have light while working is to use artificial lighting.
Despite progress made by the manufacturers of bulbs like "daylight" colors are difficult to distinguish precisely, especially in the extreme values, like clear or dark. There exist no miraculous solution; inaccuracies committed under the lamps shall be corrected at daylight. With practice, particularly in the halftones, I manage to adapt... until the summer comes!
BUT
A painter like Pierre Bonnard intentionally used artificial lighting, even as the subject of his painting. Even better: he painted pinning his paintings directly on the wallpaper against the wall. He liked it because he could thus take into account the context in which the painting will finally be seen.The more the wallpapers was bedecked better it was  because the visual cacophony became so strong that it ended up not being considered in detail by the brain.
That said, I remember that I like to use the phenomenon related to chaos. These changes of light could be integrated as well into the "initial conditions" to which the painting, or at least the painter, is extremely sensitive.

I do not know what you think about this, but for my part I find these chaotic ways more and more acceptable in situation of creativity.

vendredi 2 septembre 2016

La peinture : grammaire ou vocabulaire

J'ai pu interrompre le processus pictural intitulé  « invitation lisière - borde - edge n° 12».
Il a été peint avec de la tempera souvent très liquide, des empâtements légers (blanc) et divers couteaux à peindre. Seules les finitions furent posées au pinceau.
En plus du sujet propre de «l'image», je mets en avant l'exécution du tableau, son aspect technique qui me révèle ma propre perception du vivant . L'idée consiste à utiliser les principes scientifiques définis dans la théorie du chaos qui étudie les variantes cause-effet dues à une sensibilité extrême aux conditions initiales du processus. J'ai déjà expliqué tout cela ici [lien # chaos]
Si je reviens une fois encore sur le sujet, c'est pour garder une trace de mon évolution picturale ainsi que des aléas rencontrés au fur et à mesure du processus créatif.
invitation lisière - borde - edg n° 12
[tempera sur Arches 76x56 cm]
La difficulté principale est ici liée à la présence humaine représentée dans le tableau. Le modèle est une personne, qui plus est une personne connue. S'il est aisé de faire des abstraction sur un paysage, une forêt, etc, c'est parce qu'il suffit à notre cerveau de se représenter une forêt même si je ne connais pas le nom des arbres, ni leur nombre. Dans le cas d'une personne, je dispose d'un nombre incalculable de données qui la définissent. Quelles sont celles que je vais choisir de représenter sur mon tableau? Quelles sont celles qui sont utiles à mon expression dans ce cadre précis ?
L'abstraction se fait naturellement et automatiquement lors d'une conversation par exemple. Mais dans le domaine pictural, où même une photographie renseigne peu sur la personne, je dois bien prendre conscience des données qui sont indispensables pour que mon cerveau, enfin satisfait, puisse trouver sa sérénité.
On constate dans ce tableau que le rapport lumière,ombre est important ; on le retrouve dans le rapport chevelure- vêtement du personnage, on le trouve également dans le rapport ignorance-savoir symbolisé par le livre ; par contre, les mains peuvent être représentées succinctement, ainsi que le visage, puisqu'ici l'identité propre du personnage n'apporte aucune signification supplémentaire. Je constate, avec le recul, que j'ai tout de même renoncé à ne faire qu'une simple silhouette comme ce fut le cas dans le n°9 de la série.
J'ai choisi cependant de résumer les fenêtres à leur plus simple expression, mentionnant qu'elles laissent  passer la lumière du jour, mais renonçant à définir le paysage qu'on y voit dans la réalité.
Si le spectateur le désire, à moins qu'il ne le fasse spontanément et inconsciemment, il peut imaginer le paysage, reconnaître une personne de son entourage, etc.
Ce qu'il faut retenir de tout ceci est que suivant le nombre de détails que je cherche à exprimer, je risque fort de m'opposer aux variations chaotique et de prendre par exemple un pinceau plus précis que mon couteau à peindre. L'intégrité du processus pictural en serait fatalement altérée.
D'un autre point de vue, je me demande ce qui compte le plus : la liberté d'expression absolue et sans règle ou alors une obéissance «aveugle» à un principe théorique...
Je n'ai pas de réponse toute faite ...règle, chaos, règle chaotique, chaos réglé ...

facile ou simple

Portrait 2014
Me voici à plus de 50 ans en train de bouleverser mon mode d'expression. Je ne dis pas que je suis en train d'apprendre une nouvelle langue. Je vous dis que je suis en train de découvrir mon langage.
Vers l'âge de 12 ans, je décide que je sais dessiner. Pendant 40 ans je n'ai cessé de le démontrer. On a vu. Je savais dessiner. Je savais peindre aussi, à l'aquarelle (l'huile étant trop lente pour ma fougue). Depuis quelques années je me familiarise avec la tempera, passant entre autre par la tradition orthodoxe qui utilise ce medium. Maintenant, j'ai aussi montré que je pouvais peindre des tableaux aux rendus «réalistes», tout en me donnant un goût d'insatisfaction. Et pour cause. Je peignais dans une langue étrangère apprise sagement à l'école des autodidactes cultivés : magnifique et sans accent, un peu vide cependant. Les sujets représentés faisaient illusion, mais la manière de peindre...bien banale. Interchangeable.

Portrait (?) 2016
Depuis quelques mois, je peins beaucoup moins bien, mais aussi beaucoup mieux. Je peux enfin me reconnaître sur mes tableaux. Certes, j'utilise toujours des sujets, mais ma façon de les peindre en est aussi un, de sujet. Peut-être même le plus important, qui manifeste mon énergie vitale, mon état d'esprit, ma condition d'humain, vivant dans un cosmos d'où il tire sa matière vivifiante et existentielle.
Ce n'est pas rien !
Le plus difficile est de me débarrasser de mes travers de perfectionniste. Le «fini» en est une manifestation. La «belle touche» aussi veut tenir son rang au mépris de la vraie touche, qui est pourtant la plus simple à poser. Simple, oui, mais difficile. 0n n'outrepasse pas 50 ans de conditionnements sans accrocs, dérapages et rayures au niveau de l'ego. Je retrouve tous les défauts des débutants : approximations, maladresses, surcharges, etc.
Normal, je cherche mes mots, la syntaxe et le vocabulaire de mon esprit, les structures de mon langage.
Comme tout être vivant sur son chemin de découvertes.
C'est passionnant à vivre.
J'espère qu'on trouvera de l'intérêt à regarder.


And now, the english Christina-Google translation :

I could interrupt the painting process called "invitation border - borders - edge No. 12".
It was painted with often very liquid tempera, light impasto (white) and various painting knives. Only the finishs were set with brushes.
In addition to the proper subject of the "picture", I put forward the execution of the painting, its technical aspect that reveals my own perception of life. The idea is to use scientific principles defined into the chaos theory that studies the cause and effect variations due to extreme sensitivity to initial conditions of the process. I explained all this here [# chaos link].
If I come back again on the subject, it is to keep track of my pictorial evolution as well as the hazards encountered along the creative process.
The main difficulty here is linked to human presence represented in the table. The model is a person, furthermore someone known. While it is easy to make abstraction of a landscape, a forest, etc., it is because it is sufficient for our brain to imagine a forest even though I do not know the name of trees or their number. In the case of a person, I have countless data that define her. Which ones do I choose to represent on my painting? Which ones are useful for my expression in this particular context?
The abstraction is done naturally and automatically, during a conversation, for example. But in the pictural domain, were even a photograph says little about the person, I have to be aware of the elements that are essential so that my brain, finally satisfied, may find its serenity. One will notice that, in this picture, the report light, shade is important; it is to be found in the report hair-clothing of the character, it is also found in the report ignorance-knowledge symbolized by the book; on the other hand, hands can be represented succinctly as well as the face, since here the identity of the character does not add any meaning. I see, retrospectively,  that I did give up to make only a simple figure as was the case in n° 9 of the serie.
However, I have chosen to summarize the windows to their simplest expression, indicating that they let pass the light of the day, but renouncing to define the landscape we see behind them in reality.
If the viewer wants, unless he does so spontaneously and unconsciously, he can always imagine the landscape, recognize a person of his entourage, etc.
What to remember from all this is that depending on the number of details that I try to express, I may well oppose the chaotic variations and take, for example, a more precise brush than my painting knife. The integrity of the pictural process would then be fatally compromised.
From another point of view, I wonder what counts most: the absolute freedom of expression without rules or else a "blind" obedience to a theoretical principle ...
I have no ready-made answer ... rule, chaos, chaotic rule, chaos well ordered ...
(to be continued)

easy or simple

Here I am, more than 50 years old and upsetting my mode of expression. I'm not saying that I am trying to learn a new language. I tell you that I am discovering my language.
Around the age of 12, I decided that I can draw. For 40 years I did'nt cease to demonstrate it. We saw. I could draw. I could paint too. Watercolor (the oil being too slow for my ardor). Since few years I familiarize myself with tempera, passing among others things by the Orthodox tradition which uses this medium. Now, I also found that I could paint pictures with "realistic" effects, while giving me a taste of dissatisfaction. And for good reason. I painted in a foreign language wisely learned at the school of the  cultivated self-taught: beautiful and without accent, a bit empty though. The subjects represented gave illusion, but the way of painting, well ... common, exchangeable.
For several months, I don't paint as well, but also much better (!). I can finally recognize myself in my paintings. For sure, I always use subjects, but my way of painting is also part of the subject. Perhaps even more important, as it manifests my vital energy, my state of mind, my
human condition of living in a cosmos from which it takes its invigorating and existential matter.
It's not nothing !
The most difficult is to get rid of my perfectionist through. The "finish" being one manifestation of it. The "nice touch" also wants to hold its own share in contemption of the "true touch" which is nevertheless the simplest to install. Simple, yes, but difficult. One does not override more than 50 years of smooth conditioning, with its skids and scratches at the ego level. I am going through all the beginners defects : approximations, clumsiness, overcharges, etc.
Normal, I search for my words, syntax and vocabulary in my mind, the structures of my language. Like any living being on its way of discoveries.
It's exciting to live.
I hope one finds an interest to watch.

mardi 2 août 2016

bilan des premiers travaux «chaotiques»

Invitation n° 10  detail n° 1
J’ai évoqué lors de plusieurs articles précédents (#tag : chaos) mon désir d’introduire la notion de chaos dans ma peinture, afin de la rendre plus vivante. De fait, mes quatre dernières oeuvres ont été élaborées selon ce principe, respecté à des degrés variables comme nous l'allons voir.
Rappel : On appelle processus chaotique tout événement ou série d’événements ayant une sensibilité extrême aux conditions initiales.

Comment allais-je manifester cette condition picturalement ?

Intuitivement, j’ai considéré que l’utilisation de couteaux à peindre couplée avec l’usage d’une peinture très liquide pouvait offrir des événements très sensibles aux conditions initiales (happy accident  ou gestes authentiques). On peut en effet comprendre aisément ce postulat en considérant les conditions inverses, qui seraient d’étaler une peinture crémeuse à l’aide de pinceaux bien adaptés, la main bien posée sur un bâton appuie-main.
Invitation n° 10  detail n° 2

→ J’ai pu constater tout d’abord que plus les reprises étaient nombreuses, plus j’avais tendance à vouloir préciser les dessins des formes du motif ; ce qui amoindrit l’effet vitalisant du principe chaotique.
→ Une autre évidence, corollaire de la précédente, me frappa : moins il y a de reprises, plus le rythme et l’énergie du tableau sont manifestes, sans péjorer la structure générale du tableau. Or, le rythme visuel et l’énergie picturale ont un potentiel expressif énorme. Il serait dommage de les exclure de la palette créative.
→ Les spectateurs témoins du processus pictural semblent plus concernés, parties prenantes, lors des premières reprises du tableau. J’y vois la preuve que le potentiel suggestif de l’image (qui enclenche un travail participatif important de leur part pour «compléter» l’oeuvre, voire lui donner un sens) est, selon mes propres critères, plus important que d’offrir une image «finie» qu’il suffit de lire passivement.
→ Plus j’utilise le couteau à peindre et les couleurs très fluides, plus j’accepte d’utiliser le pinceau de manière très libre, spontanée, sans rechercher nécessairement la précision descriptive d’un scribe.
Invitation n° 10  detail n° 3
→ J’ai cependant pu constater la peine que j’ai à laisser le tableau vivre sa vie dans un stade suggestif plutôt que descriptif. C’est l’une de mes contradictions, car je suis personnellement plus attiré par l’esthétique d’une suggestion que par celle d’une affirmation péremptoire… Je pense qu’il s’agit là de l’indication d’un conditionnement perfectionniste, que je vais d’ailleurs chercher à évacuer le plus vite possible. Le perfectionnisme nie complètement la liberté de son sujet, aliéné à l’obligation de faire le mieux, faute de n’avoir droit ni à la reconnaissance, encore moins à l’amour.  Mallarmé, revendiquant cette liberté d’expression, se pensait condamné à renoncer à sa propre existence, ce qu’il assumait d’ailleurs fort bien, à ce qu’il parait !

Renoncer à être totalement explicite revient à confier le sort de sa peinture au spectateur. Il s’agit en effet de faire confiance aux facultés d’autrui pour aborder l’oeuvre dans un esprit aussi créatif que le sien propre, voire même plus créatif, tant il est vrai que bien souvent un spectateur est capable de voir des choses que le peintre ignorait avoir mises. Beaucoup d’entre nous en avons fait l’expérience amusante, intéressante, car elle ouvre une sorte de dialogue d’esprit, d’enrichissement mutuel de conscience. Le tableau a donc le rôle d’amorce spirituelle ou, plus prosaïquement, esthétique.
Invitation lisière - borde - edge  n° 10  
tempera sur Arches 76x56 cm
Invitation lisière - borde - edge  n° 09tempera sur Arches 76x56 cm
Invitation lisière - borde - edge  n° 08  
tempera sur Arches 76x56 cm
Invitation lisière - borde - edge  n° 07  
tempera sur Arches 56x76 cm

Rien que pour cela, la peinture mérite de survivre à tous les augures qui l’ont considérée  à maintes reprises comme obsolète voire défunte.

And now the english version by Christina :

I mentioned in several previous papers (#tag: chaos) my desire to introduce the concept of chaos in my paintings, to make it more vivid . In fact, my last four works were developed according to this principle, respected to varying degrees as we shall see.
Reminder: One calls chaotic process any event, or series of events, showing extreme sensybility to initial conditions.

How would I manifest this condition pictorially?

Intuitively, I considered that the use of painting knives coupled with that of a very liquid paint would offer very sensitive events to initial conditions (happy accident or authentic gestures). It is indeed easy to understand this assumption considering the opposite conditions that would be to spread a creamy paint using a well suited  brush, with the hand well put  on a hand-support stick.

→ At first I found that as the repetition added, the more I tended to insist on defining the drawing shape of the patern; the more it lessens the effect of vitalizing the chaotic principle.
→ Another obvious corollary of the first struck me then: the fewer the repeats, the more the rythm and energy of the picture are shown without depreciating the general structure of the picture. However the visual rhythm and pictorial power have an enormous expressive potential. It would be a shame to exclude them from the creative palette.
→ The audience, witness of the pictorial process, seem more concerned, involved, during the early times of the work. I see there a proof that the evocative potential of the image (which triggers an important participatory work from the viewer to "complete" the work or give it its sense) is, according to my own criteria, more important than the offer of a "finished" picture that one only has to read slavishly.
→ The more I use the painting knife with very fluid colors, the more I accept to use the brush very freely, spontaneously, without necessarily seeking the descriptive accuracy of a scribe.
→ However, I must note the trouble I have to leave the picture live its own life at a suggestive rather than descriptive stage. This is one of my contradictions, for I am personally more attracted to the aesthetics of a suggestion than to that of a sweeping statement ... I think this is the indication of a perfectionist conditioning, which I will also seek to evacuate as soon as possible. Perfectionism completely denies the freedom of its subject, alienated to the obligation to do the best, fault of having right to recognition, let alone love. Mallarmé, claiming that freedom of expression thought himself sentenced to renounce to his own existence, which he assumed perfectly, so it seemed!

Giving up to being totally explicit amounts to entrust the fate of the painting to the viewer. It means indeed to be confident in the abilities of others to address the work in the same creative mind than his own, and even more creative, as it is true that often a viewer is able to see things that the painter did not know he has made. Many of us have made the experience, funny, interesting because it opens some kind of dialogue of minds and brings mutual enrichment of consciousness. The picture therefore has the role of spiritual or, more prosaically, aesthetic bait.

For that alone, painting deserves to survive all the soothsayers who considered it repeatedly obsolete or even defunct.


bilan des premiers travaux «chaotiques»

Invitation n° 10  detail n° 1
J’ai évoqué lors de plusieurs articles précédents (#tag : chaos) mon désir d’introduire la notion de chaos dans ma peinture, afin de la rendre plus vivante. De fait, mes quatre dernières oeuvres ont été élaborées selon ce principe, respecté à des degrés variables comme nous l'allons voir.
Rappel : On appelle processus chaotique tout événement ou série d’événements ayant une sensibilité extrême aux conditions initiales.

Comment allais-je manifester cette condition picturalement ?

Intuitivement, j’ai considéré que l’utilisation de couteaux à peindre couplée avec l’usage d’une peinture très liquide pouvait offrir des événements très sensibles aux conditions initiales (happy accident  ou gestes authentiques). On peut en effet comprendre aisément ce postulat en considérant les conditions inverses, qui seraient d’étaler une peinture crémeuse à l’aide de pinceaux bien adaptés, la main bien posée sur un bâton appuie-main.
Invitation n° 10  detail n° 2

→ J’ai pu constater tout d’abord que plus les reprises étaient nombreuses, plus j’avais tendance à vouloir préciser les dessins des formes du motif ; ce qui amoindrit l’effet vitalisant du principe chaotique.
→ Une autre évidence, corollaire de la précédente, me frappa : moins il y a de reprises, plus le rythme et l’énergie du tableau sont manifestes, sans péjorer la structure générale du tableau. Or, le rythme visuel et l’énergie picturale ont un potentiel expressif énorme. Il serait dommage de les exclure de la palette créative.
→ Les spectateurs témoins du processus pictural semblent plus concernés, parties prenantes, lors des premières reprises du tableau. J’y vois la preuve que le potentiel suggestif de l’image (qui enclenche un travail participatif important de leur part pour «compléter» l’oeuvre, voire lui donner un sens) est, selon mes propres critères, plus important que d’offrir une image «finie» qu’il suffit de lire passivement.
→ Plus j’utilise le couteau à peindre et les couleurs très fluides, plus j’accepte d’utiliser le pinceau de manière très libre, spontanée, sans rechercher nécessairement la précision descriptive d’un scribe.
Invitation n° 10  detail n° 3
→ J’ai cependant pu constater la peine que j’ai à laisser le tableau vivre sa vie dans un stade suggestif plutôt que descriptif. C’est l’une de mes contradictions, car je suis personnellement plus attiré par l’esthétique d’une suggestion que par celle d’une affirmation péremptoire… Je pense qu’il s’agit là de l’indication d’un conditionnement perfectionniste, que je vais d’ailleurs chercher à évacuer le plus vite possible. Le perfectionnisme nie complètement la liberté de son sujet, aliéné à l’obligation de faire le mieux, faute de n’avoir droit ni à la reconnaissance, encore moins à l’amour.  Mallarmé, revendiquant cette liberté d’expression, se pensait condamné à renoncer à sa propre existence, ce qu’il assumait d’ailleurs fort bien, à ce qu’il parait !

Renoncer à être totalement explicite revient à confier le sort de sa peinture au spectateur. Il s’agit en effet de faire confiance aux facultés d’autrui pour aborder l’oeuvre dans un esprit aussi créatif que le sien propre, voire même plus créatif, tant il est vrai que bien souvent un spectateur est capable de voir des choses que le peintre ignorait avoir mises. Beaucoup d’entre nous en avons fait l’expérience amusante, intéressante, car elle ouvre une sorte de dialogue d’esprit, d’enrichissement mutuel de conscience. Le tableau a donc le rôle d’amorce spirituelle ou, plus prosaïquement, esthétique.
Invitation lisière - borde - edge  n° 10  
tempera sur Arches 76x56 cm
Invitation lisière - borde - edge  n° 09tempera sur Arches 76x56 cm
Invitation lisière - borde - edge  n° 08  
tempera sur Arches 76x56 cm
Invitation lisière - borde - edge  n° 07  
tempera sur Arches 56x76 cm

Rien que pour cela, la peinture mérite de survivre à tous les augures qui l’ont considérée  à maintes reprises comme obsolète voire défunte.

And now the english version by Christina :

I mentioned in several previous papers (#tag: chaos) my desire to introduce the concept of chaos in my paintings, to make it more vivid . In fact, my last four works were developed according to this principle, respected to varying degrees as we shall see.
Reminder: One calls chaotic process any event, or series of events, showing extreme sensybility to initial conditions.

How would I manifest this condition pictorially?

Intuitively, I considered that the use of painting knives coupled with that of a very liquid paint would offer very sensitive events to initial conditions (happy accident or authentic gestures). It is indeed easy to understand this assumption considering the opposite conditions that would be to spread a creamy paint using a well suited  brush, with the hand well put  on a hand-support stick.

→ At first I found that as the repetition added, the more I tended to insist on defining the drawing shape of the patern; the more it lessens the effect of vitalizing the chaotic principle.
→ Another obvious corollary of the first struck me then: the fewer the repeats, the more the rythm and energy of the picture are shown without depreciating the general structure of the picture. However the visual rhythm and pictorial power have an enormous expressive potential. It would be a shame to exclude them from the creative palette.
→ The audience, witness of the pictorial process, seem more concerned, involved, during the early times of the work. I see there a proof that the evocative potential of the image (which triggers an important participatory work from the viewer to "complete" the work or give it its sense) is, according to my own criteria, more important than the offer of a "finished" picture that one only has to read slavishly.
→ The more I use the painting knife with very fluid colors, the more I accept to use the brush very freely, spontaneously, without necessarily seeking the descriptive accuracy of a scribe.
→ However, I must note the trouble I have to leave the picture live its own life at a suggestive rather than descriptive stage. This is one of my contradictions, for I am personally more attracted to the aesthetics of a suggestion than to that of a sweeping statement ... I think this is the indication of a perfectionist conditioning, which I will also seek to evacuate as soon as possible. Perfectionism completely denies the freedom of its subject, alienated to the obligation to do the best, fault of having right to recognition, let alone love. Mallarmé, claiming that freedom of expression thought himself sentenced to renounce to his own existence, which he assumed perfectly, so it seemed!

Giving up to being totally explicit amounts to entrust the fate of the painting to the viewer. It means indeed to be confident in the abilities of others to address the work in the same creative mind than his own, and even more creative, as it is true that often a viewer is able to see things that the painter did not know he has made. Many of us have made the experience, funny, interesting because it opens some kind of dialogue of minds and brings mutual enrichment of consciousness. The picture therefore has the role of spiritual or, more prosaically, aesthetic bait.

For that alone, painting deserves to survive all the soothsayers who considered it repeatedly obsolete or even defunct.


mardi 7 juin 2016

Vers une nano-histoire de l’art

Que sait-on des motivations des artistes Magdaléniens, de Lascaux, Chauvet et autres sites magnifiquement peints ? Aucun historien honnête n’osera répondre à cette question autrement que par : « À peu près rien...» Je ne suis ni historien d'art ni historien tout court. Je ne peux donc que me fier à mes intuitions d’humain qui, lui aussi, aime laisser des traces de couleur sur des surfaces disponibles.
Puis-je projeter mes motifs sur ceux de mes ancêtres ? Tout ce que je puis affirmer est que les structures de mon cerveau, de ma pensée et, mais c’est moins évident, de ma culture sont très proches des leurs.
réplique d'une peinture de la grotte d'Altamira, Espagne


J’aime peindre parce que je laisse une trace de ma présence, de mon existence ;
J’aime peindre parce que les gestes et les résultats de ces gestes que je dirige à peu près librement me font plaisir ;
  • J’aime peindre parce que ceux de mes semblables qui regardent mes peintures y trouvent parfois un intérêt, et même, pour quelques-uns, un miroir de leur propre horizon de pensée et/ou une source d’émotions qu’ils apprécient ;
  • J’aime peindre parce que le processus créatif et pictural qui me met en mouvement me paraît de la plus haute importance sur le moment et, parfois, en théorie ;
  • J’aime peindre parce que la peinture (celle des autres aussi, parfois) me met en contact avec les notions pour moi vitales et vivifiantes d’Être et de Beauté, tout comme une forme de méditation et de prière pourraient le faire.
ce n'est pas une peinture et
probablement une «oeuvre» involontaire, mais...
Il y a encore beaucoup de raisons, beaucoup plus personnelles qui m’amènent irrépressiblement vers mes couleurs et mes pinceaux. Marcel Duchamp confiait à Georges Charbonnier que la principale raison était olfactive, car les peintres étaient accros à l’odeur de l’essence de térébenthine ! Pour ma part, la peinture me permet de présenter à mon épouse Christina mon hommage amoureux le plus éloquent. Que ceci suffise à mettre un terme au catalogue de mes motivations picturales. Je laisse de coté celle que les artistes seuls sont à même de mieux comprendre, car directement liées à la pratique picturale. Ils les connaissent aussi bien que moi et les regardeurs n’en ont cure, on les comprend.


Mes motivations sont-elles proches des préoccupations picturo-pariétales de outre-naguère ? Je vous laisse y penser. Faisaient-ils de l’art ou de la signalisation ? des jeux de société ou des pratiques cultuelles ?  Imaginaient-ils qu’on en parlerait aujourd’hui dans un blog ? Peut-être étaient-ils ivres et qu'ils oublièrent jusqu’à leurs actes ! Je plaisante…


Ce que je peux affirmer, c’est que les artistes de l'antiquité, allant de l'ancienne Égypte jusqu’aux impériaux romains, réservaient l’art à l’expression religieuse  (de nos jours on parle de mythe, mais c’est de l’orgueil), à la manifestation d’un rang social lié étroitement à la richesse et aussi à la décoration, au service des mêmes d’ailleurs.
Le premier millénaire européen consacre l’essentiel de son énergie artistique à l’expression de la foi, «païenne» ainsi orgueilleusement nommée, puis chrétienne. Le rang social et les richesse (laïques et cléricales) offraient le nerf de la guerre, nommé ainsi par moi, tant il est vrai que la vanité semblait autant que la ferveur motiver les investissements nécessaires à la confection d’oeuvres d’art très richement ornées pour la plupart.
Dès la Renaissance, Nord et Sud de l’Europe confondus, les motivations demeurent, mais elles s’additionnent d’un drageon qui semblait bien improbable jusque là. Les artistes se mettent à signer leurs oeuvres et à briguer un statut social qui ne leur avait jamais été destiné. La reconnaissance de l’artiste met ainsi en route un étrange phénomène : une course à l’originalité, à la virtuosité et au contrat juteux.
L’art entre dès lors dans un conflit interne parfois stimulant, parfois destructeur, entre les tenants de la tradition et ceux de la révolution. J’utilise à dessein le terme de révolution plutôt que celui d’évolution, car c’est bien de combats sanglants dont il s’agit. Les termes employés sont souvent les reflets de sentiments très inamicaux et volontiers assassins, de réputation pour le moins.
Portrait d'un homme, Fayoum
On appelle pourtant cette période la Renaissance. Les contradictions sont aussi l’apanage de l’humanité.
Et cela dura au moins jusqu’aux temps modernes. Soit on a du génie et on est reconnu de son vivant (passez muscade !) soit on a du génie et on est reconnu post-mortem -et les marchands d’art se chargeront de votre fortune-, soit on n’est ni reconnu, ni génial, vivant ou mort, on n’existe tout simplement pas dans l’histoire de l’art. Ci-gît qui ? Il y en a des milliards, artistes ou non. Ça aide la médecine à couler…
Et aujourd’hui, me direz-vous ? Si vous êtes encore là.
Il semble que l’art demeure l’apanage de l’élite et de l’argent. La religion ? Nous y reviendrons.
L’art contemporain correspond parfaitement aux motivations (déjà à l’oeuvre à la Renaissance), à la satisfaction et à la religion (Sainte-Frique) de l’élite fortunée, mais, et c’est là que réside peut-être le distinguo, QUEL QUE SOIT LE CONTENU de l’oeuvre.
Il faut et il suffit qu’un fortuné, amateur ou marchand, décide de la montée d’une cote pour que l’oeuvre trouve sa valeur. QUEL QUE SOIT SON CONTENU, je le répète.
Puisque l’art semble remplir sa fonction historique, on peut se demander s'il y a lieu de chercher à le faire évoluer encore.
Indéniablement, l’art se doit d’évoluer sous peine d’une morbide inertie.
Jusqu’ici, les moteur d’évolution étaient de différents ordres :
  • Évolution technique (pigment, colle support, outils)
  • Évolution des motivations (religion, signe de richesse, etc)
  • Évolution de la valeur spirituelle intrinsèque de l’objet d’art (icône, cathédrale, art funéraire)
  • Évolution de désir décoratif.
Homo sapiens a relativement peu évolué au cours des cinquante derniers millénaires. Seule sa technologie a varié, ces tout derniers siècles, repoussant parfois certains horizons mentaux, également exprimés socialement et scientifiquement.
Duccio - Madonna ruccelai
On constate aussi une évolution spirituelle qui s’exprime parfois radicalement, ce qui n’est pas très nouveau. Ce qui l’est plus, nouveau, c’est l’apparition d’une prétendue liberté individuelle, un libre arbitre (déjà remis en question d’ailleurs).
D’un côté, les divers croyants tendent à s’engager et s’exprimer plus franchement, n'ayant plus le facteur comportemental lié à une obligation de croire émanant d’organes dirigeants.
D’autre part, les athées,ou prétendus tels, mais croyant à la suprématie de l’intellect ou de la réussite sociale ou financière ou de tout à la fois, sont plus franchement des opposants «réactionnaires» vis à vis des positions ecclésiales autrefois dominantes.
La plupart des gens de toute façon peinent à reconnaître qu’il y a eu transfert de divinité. Leurs croyances et valeurs absolues ne sont pas toujours identifiées comme telles (je répète: valeurs matérielles, pouvoir d’achat, cultes voués aux diverses idoles culturelles proposées par les médias de masse). Les pratiques cultuelles se confondent avec un mercantilisme omniprésent et inéluctable, accompagné de messages publicitaires qui n’ont même plus besoin d’user d’artifices subliminaux, tant on s’en est accommodé.
Donc, si :
  1. L'art reconnu comme tel officiellement (les musées s'adonnant eux aussi au mercantilisme pour survivre, leur chiffre d’affaires issu de la vente des diverses reproductions et des entrées payantes, en Angleterre notamment) suffit à l’élite fortunée…
  2. Si l'art des mass-medias suffit à l’homme de la rue pour exprimer ses propres valeurs…
  3. Si les reproductions «fast-food» et haut de gamme remplissent leur mission décorative, facile à renouveler, et permettant ainsi de maintenir un équilibre de satisfaction vs. frustration suffisant au maintien de l’ordre établi…
… on se demande bien pourquoi et comment, le cas échéant, l’art pourrait évoluer !
Et pourtant, quelque chose se passe en Occident. Les artistes non établis semblent beaucoup plus nombreux.
Comment est-ce possible ?
Maurice Quentin de la Tour
Portrait de Louis XV de France
Pastel sur papier gris-bleu
On entend, depuis la fin du XXème siècle des voix autorisées se plaindre que le métier d’artiste, peintre par exemple, n’est plus enseigné dans les écoles d’art officielles. D’un autre côté, on ne compte plus les cours de techniques artistiques proposés aux particuliers.
Ainsi, les artistes de tous âges et de toutes conditions, dits «du dimanche», ou plutôt de «loisirs», motivés par le geste et non par l’acte rémunéré, par exemple, se font de plus en plus nombreux, présentant leurs travaux mondialement par le biais d’Internet. Certes, les regardeurs sont parfois peu nombreux, mais chaque oeuvre permet de toucher une micro-société. Imaginons le nombre des oeuvres ainsi exposées et celui encore plus faramineux de micro-sociétés qu’elles rassemblent !
Dans ces conditions, qui prétendra que l’art ainsi proposé et exposé est un «sous-art» alors qu’une population avérée parvient à s’y projeter et à y trouver son content de ravissement voire d’évolution ?
Or, cet art échappe à tout contrôle officiel, dans la plupart des pays occidentaux en tout cas.
Tant que les artistes qui le produisent esquivent la reconnaissance officielle du marché, cet art est le seul à garder un pouvoir résistant, éventuellement subversif, mais surtout exprimant des valeurs hautes et authentiques propres à ces micro-sociétés.
Les sociétés mondialisantes, de par l’anonymat qu’elles génèrent, permettent et favorisent l’éclosion des rapprochements humains à dimension tribale, capables de manifester artistiquement leurs propres valeurs.
L’histoire de l’art ne peut que devenir l’histoire des arts, des micro-arts, des nano-arts, à l’extrême.
N’est-ce pas réjouissant ?
Enfin, et de fait, car cela a déjà lieu, l’art a évolué et évolue encore. Même marginalisé officiellement, qu’importe ? Il ne le sera plus sous peu, puisque réel et puissant moteur d’une multitude de groupements humains aussi officieux qu’authentiques.

And now, dear english reading friends please enjoy Christina's version (google revisited).


Towards a nano-art history

What is known about the motivations of Magdalenians artists, of Lascaux, Chauvet and all the other beautifully painted sites? No honest historian would dare answer to that question otherwise than: "Just about anything". I am neither historian nor historian of art. So, I can only trust my human intuitions, who too, like to leave traces of color on available surfaces.
Can I compare my drawings with those of my ancestors? All I can say is that the structures of my brain, my thoughts, and, but it is less obvious, my culture, are very similar to their own. I like to paint because I leave a trace of my presence, my existence; I like to paint because the gestures, and the results of these gestures, that I lead nearly freely bring me happyness;
.I like to paint because those of my peers who look at my pictures sometimes find them of interest, and even, for some, a mirror of their own horizon of thought and/or a source of emotions they like;
.I like to paint because the pictorial and creative process that puts me in motion seems of utmost importance at the time, and sometimes in theory;
.I like to paint because the pictures (that of others too, sometimes) put me in touch with the notion, vital and invigorating for me, of Being and Beauty, as a form of meditation and prayer could do.
There are still many reasons, much more personal, which lead me irrepressibly towards my brushes and colors. Marcel Duchamp confided to Georges Charbonnier that the main reason was olfactory because the painters were addicted to the smell of turpentine! Personally, painting allows me to present my most eloquent love tribute to my wife Christina. Let this be enough to end the catalog of my pictorial motives. I leave aside those that artists only are able to understand, because directly related to the pictural practice. They know as well as I do, and the viewers don't care, we understand them.
My motivations are they close to picturo-parietal concerns of primitive times? I'll let you think about it. Were they making art or signaling? Board games or cultural practices? Did they imagine that it would be spoken about in a blog today? Maybe they were drunk and they forgot up to their actions! I'm joking…
What I can say is that the artists of antiquity, from ancient Egypt up to the  imperial Rome, devoted art to the religious expression (nowadays we speak of myth, but it's just pride), to the manifestation of a social rank, closely linked to wealth and also to decoration, elsewhere serving the same.
The first millennium in Europe devotes the essential of its artistic energy to the expression of its faith, "pagan" as proudly named, than Christian. Social status and wealth (secular and clerical) offered the sinews of war, as named by me, since it is true that vanity seemed, as much as fervor, to motivate the necessary investments  for the making of richly decorated art, for the most part.
Since the Renaissance, Northern and Southern Europe combined, motivations remain, but they increased themselves with a sucker that seemed most improbable before. The artists began to sign their works and to seek social status which was never intended for them. The recognition of the artist initiates a strange phenomenon: a race to originality, virtuosity and lucrative contract.
The art then enters an internal conflict, sometimes stimulant, sometimes destructive, between traditionalists and revolutionary. I purposely used the term revolution rather than evolution because it really is a question of bloody battles. The terms used are often reflections of very unfriendly feelings and willingly assassins, of reputation for the less.
Yet this is called the Renaissance period. Contradictions are also the prerogative of humanity.
This lasted at least until modern times. Either one is a genius and is recognized in his lifetime, either one is a genius and is recognized postmortem -and art dealers will take care of his fortune- or one is neither recognized nor great, nor living nor dead, he does simply not belong to the history of art. Here lies who? They are billions, artists or not. It helps the medicine go down...
And today, will you say? If you're still there…
It seems that art remains the prerogative of the elite and money. Religion ? We'll come back to it.
Contemporary art perfectly matches the motivations (already at work in the Renaissance), satisfaction and religion (Holy Money) of the wealthy elite, but, and this is where, perhaps, lies the distinction, WHATEVER THE CONTENT of the work.
It is sufficient that a wealthy amateur or merchant, decides the rise of a quote to give the work its value. WHATEVER ITS CONTENT, again.
Since art seems to fulfill its historic function, one may wonder if it is worth to get it evolve, still.
Undeniably, art must evolve or face a morbid inertia.
So far, the engine of evolution were of different orders:
. Technical evolution (pigment, supporting glue, tools)
. Motives evolution (religion, signs of wealth, etc.)
. Evolution of spiritual intrinsec value of the artistic object
(Icon, cathedral, funeral art)
. Evolution of the decorative taste.
Homo sapiens has not changed much in the last fifty thousand years. Only the technology has changed, in recent centuries,  pushing sometimessome mental horizons, as well socially as scientifically.
One notice also a spiritual evolution which expresses sometimes radically, this is not new. What is new, though, is the appearance of a pretended individual freedom, a free will (already questioned anyhow).
On the one hand, the various believers tend to commit themselves and speak more frankly, no longer having behavioral factor related to an obligation to believe from the governing bodies.
On the other hand, atheists, or so-called, but believing in the supremacy of the intellect or social or financial success (or all at once), are more frankly opponents "reactionary" against the once dominant ecclesial positions.
Most people somehow fail to recognize that there was a transfer of divinity. Their absolute beliefs and values ​​are not always identified as such (I repeat: material values, purchasing power, cults dedicated to various cultural idols offered by the mass media). Cultural practices merge with a pervasive and inescapable commercialism, with advertising messages that don't even need the use of the subliminal tricks, so we went along with.
Thus, if :
Art officially recognized as such (museums also giving into mercantilism in order to survive, getting their turnover from the sale of various reproductions and paid admissions, in England in particular) is sufficient for the wealthy elite...
If the art of the mass media is sufficient for the man of the street to express his own values ...
If "fast food" and upscales reproductions fulfills their decorative mission, easy to renew, and allowing the maintenance of a balance : satisfaction vs. frustration, sufficient to maintain the established order… one wonders why and how, if applicable, art could evolve!
And yet, something is happening in the West. Non-established artists seem more numerous.
How is this possible ?
We hear, from the late twentieth century authoritative voices, complaints that being an artist, a painter, for example, is no longer taught in formal art schools. On the other hand, there are countless courses of artistic techniques offered to individuals.
Thus, artists of all ages and of all conditions, so-called "Sunday" or rather "leisure", motivated by the gesture and not paid by the act, for example, are becoming more numerous, with their work globally presented through the Internet. Of course, the viewers are sometimes few, but each work allows us to reach a micro-society. Imagine the number of works exhibited and thus the even more staggering micro-societies gathered!
Under these conditions, who would claim that art and thus proposed statement is a "sub-art" while an avered population proved able to project itself and find its content of happy rapture or evolution?
But this art escapes any official control, in most Western countries anyway.
As long as the artists who produce their art escape the official recognition of the market, this art is the only one to keep a strong power, possibly subversive, but mostly expressing high and authentic values ​​specific to these micro-society.
The globalizing societies, by the anonymity they generate, enable and promote the emergence of human reconciliation with tribal dimension, able to artistically express their own values.
The history of art can only become art history, micro-arts, nano-arts to the extreme.
Isn't this delightful?


Finally, and as a matter of fact, because it is already the case, art has evolved and is still evolving. Even officially marginalized, who cares? It will be over soon, since it has become the real and powerful engine of a multitude of human groups as much informal than authentic.