mardi 21 mars 2017

Les principes avant les personnalités

Les principes avant les personnalités

Lorsque je fréquentais un groupe d'amis avec lesquels nous échangions des propos très personnels, en toute franchise de la part de l'orateur, et en grand respect de la part des auditeurs. Nous avions tous accepté préalablement une sorte de règle : « Les principes avant les personnalités». Par «principe » nous entendions quelque chose de l'ordre du concept ; la morale ou la moralité n'avaient aucun droit de cité. Nous étions là pour redonner raison et vitalité à notre être, non pour passer un jugement.
Image 1 Turner "Le déclin de l'empire carthaginois" 1815

Le rapport avec la peinture ?

Je me suis rendu compte que dès le moment où je suis concentré sur le sens que je veux donner à ma peinture, il devient nuisible que des questions de style ou de communication me soient présentes à l'esprit. C'est le moment où seules les influences que j'assume peuvent ressurgir sur ma toile, qu'elles partagent avec mes intentions et mon énergie créatrice.
Pourtant, quelle force ont les conditionnements datant de l'enfance, de la scolarité, où je dois faire la preuve -contre sanction- que toute connaissance, sans que je l'aie demandée, m'a bien été  inculquée, enracinée et imprimée de manière aussi indélébile que possible. Ainsi les bénéficiaires profitant de la société gouvernante s'assurent-ils du profit  réalisé pour eux par le travail des masses bien éduquées.
Cela fonctionne bien, surtout si l'on dispose d'une certaine force dissuasive (police, armée, générations précédentes, contemporains "consentants"). Pareil pour les écoles d'art...
Je ne hisse pas le drapeau noir. Je cherche juste à montrer la puissance inconsciente à l'œuvre en moi sous le nom bien choisi de «surmoi».
Image 2 Turner "Snow Storm..." exh. 1844
C'est ainsi que naissent au pire les ratages, au mieux les «écoles» et les -ismes, tant il est vrai que l'humain vit en meute, se voit en l'autre, existe par absorption.

Ouvrons une parenthèse : “(“ 

Prenons Turner à titre d'exemple. Image 1 :Turner peint comme maître Claude → le 18ème  siècle applaudit, le 21ème soupire compassé ; image 2 : Turner peint ce qu'il a ressenti lors d'une tempête de neige, attaché au mât du vapeur Victoria → le 18ème  siècle se gausse, le 21ème  admire ; image 3 : Turner croque des sujets compensatoires et pornographiques (c'est long les voyages d'étude pour un mâle solitaire) → le 18ème  siècle les jette au bûcher, n'en gardant que quelques uns comme témoignages de sa dégénérescence sénile, le 21ème  admire, expose et montre la précocité de Turner annonçant Courbet (Origine du monde), Degas et d'autres, que prophétisait Fragonard !
Image 3" Femme nue allongée avec un bras derrière la tête"

Fermons la parenthèse “)”


Oui, nous sommes conditionnés, par notre nature grégaire d'abord et la culture dominante, pour colmater les parties manquantes et mettre une couche de vernis. On est alors bien poli.
C'est ainsi avant même notre naissance. Qu'y faire ? A chacun de voir ce qu'il veut pour lui-même, sachant que la liberté se paie bien souvent en monnaie de solitude, d'incompréhension, d'une renommée à peine tribale. Les réputés "fous” ont quant à eux un art propre que l'on dit brut, tant il ne ressemble à rien d'autre. De l’art brut à l'art des brutes… Je vous laisse la conclusion.

Ah ! les artistes maudits !

Maudits, vous croyez ? Peut-être ont-ils simplement réussi à vivre en dehors du système. Ce dernier n'a donc pas à en faire la promotion. Les meilleurs fruits n'ont pas besoin de passer à la télé pour être savourés. De même il y a l'artiste, l'œuvre, celles et ceux qui en profitent, à l'occasion d'une rencontre, au détour d'un repas ou d'une conversation. Ils sauront bien s’arranger entre eux sans commissaire-priseur (ne sont-ils pas impressionnants, élevés sur un piédestal, marteau de juge en main ?)
Seules les affinités individuelles seront gages de la valeur d'un tableau; aucune cote, pas de catalogue ni de battage médiatique. Le silence, l'émotion esthétique ou/et spirituelle. Le silence encore. Et puis l'entente et le transfert, peut-être momentané, de l'œuvre en d'autres lieux. Magnifique. On croit rêver.  Utopie. Utopie ? Peut-être pas. Rendez-vous d'ici à quelques mois, si vous le voulez bien. Je vous exposerai alors mon projet, sa concrétisation, sa réception. 
Merci de votre attention.
Image 1a Iinvitation 4 → académique

And now an english version by Christina :

Principles before personalities

When I frequented a group of friends with whom we exchanged very personal words, in total frankness the speaker, and with great respect from the auditors. We had all previously accepted a sort of rule: "The principles come before the personalities". By "principle" we meant something of the order of the concept; morale or morality had no place here. We were there to restore reason and vitality to our being, not to pass judgment.

The relationship with painting?

I realized that from the moment I am focused on the meaning I want to give a painting, it becomes detrimental that questions of style or communication be presented to my mind. It is the moment when only the influences that I assume can reappear on my canvas that they share with my intentions and my creative energy.
Yet what strength do the conditioning of childhood, the schooling in which I have to prove -against sanction- that all knowledge, without my having asked for it, has been well inculcated, rooted and printed in a way as indelible as possible. Thus beneficiaries profiting from the governing society make sure of the profit realized for them by the work of the well-educated masses.
It works well, especially if you have a certain dissuasive force (police, army, previous generations, "consenting" contemporaries). Same for art schools ...
Image 2a Invitation 9 → plus de ressenti


I do not wag the black flag. I am just trying to show the unconscious power at work within me under the well-chosen name of "superego."

Thus, at the worst, failures arise, at best the "schools" and the -isms, so much so that it is true that the human lives in a pack, sees itself in the other, exists by absorption.

Let's open the parenthesis "("

Turner painted as master Claude → the 18th century applauded, the 21st sigh compassed, image 2: Turner painted what he felt during a snowstorm attached to the mast of the steamer Victoria → the 18th century is gaussing, the 21st admires; image 3: Turner crunches compensatory and pornographic subjects (it's long study trips for a lonely male) → the 18th century throws them at the stake, retaining only a few as testimonies of his senile degeneration, the 21st admires, exposes and shows the precocity of Turner announcing Courbet (Origin of the world), Degas and others, prophesied by Fragonard!

Let's close the parenthesis ")"

Yes, we are conditioned. By our gregarious nature first and the dominant culture to clog the missing parts then and put a layer of varnish. We are then very polite.
It is thus even before birth. What to do? Everyone has to see what he wants for himself, knowing that freedom often pays for itself in money of loneliness, incomprehension, a hardly tribal fame. The reputed "crazy" have for their part an art which is so crude, so unlike anything else, from raw art to the art of brutes ... I leave you the conclusion.

Ah! The cursed artists!
Image 3b Invitation 8 → achevé en 3 reprises !

Cursed, you believe? Maybe they just managed to live outside the system. The latter does not have to promote it. The best fruits do not need to go on TV to be savored. In the same way, there is the artist, the work, and those who benefit from it, on the occasion of an encounter, in the course of a meal or a conversation. They will be able to arrange themselves between them without auctioneer (aren't they impressive, raised on a pedestal, judge's hammer in hand?)
Only individual affinities will guarantee the value of a painting; No ratings, no catalogs or hype. Silence, aesthetic and/or spiritual emotion. Silence again. And then the agreement and the transfer, perhaps momentary, of the work in other ties. Magnificent. We think we're dreaming. Utopia. Utopia? Maybe not. See you in a few months, if you will. I will explain my project, its concretization, its reception.

Thank you for your attention.

lundi 13 mars 2017

Rayons ou rayonnement ?

L'être ou le principe. Synonymes ?
C'est parfois une difficulté pour moi de bien discerner ce que, vraiment, je veux peindre. Il s'agit d'un véritable processus de conscientisation.
Je rappelle rapidement que la peinture elle-même peut, par la dynamique des touches par exemple, restituer l'idée de vie (cf les articles précédents #chaos). La composition et l'usage de contrastes en sont d'autres.

Mais cela suffit-il ? 
Invitation lisière - borde - edge n° 20  
[ Tempera  sur Arches 56 x 76 cm ]
(Version n°1)
Beaucoup de peintres ont pour sujet la peinture elle-même. Ils utilisent donc, éventuellement, les modes d'expression que je viens d'énoncer. Le motif sert de prétexte, dont la peinture «abstraite» se passe d'ailleurs très bien !
D'autres peintres désirent s'exprimer sur un sujet. Ils sont motivés soit par le motif au sens pittoresque du terme, ou alors par ce que sous-tend le motif; les Surréalistes, les Symbolistes en font partie. Certains, comme les Nabis, ont décidé de mettre de l'art partout, à titre décoratif. La peinture, à l'opposé, peut aussi être vectrice d'un message politique ou religieux.

Peut-on aller au delà ? 
Invitation lisière - borde - edge n° 20  
[ Tempera  sur Arches 56 x 76 cm ]
(Version n°2)
Les Romantiques sont parvenus à exprimer le concept du sublime, qui est le respect, la crainte que l'humain peut ressentir face à l'immensité et le pouvoir des éléments de la Nature, qui se trouve alors quasi déifiée. L'art pictural touche alors l'humain, mais dans une dimension toute spéciale de son être. La matière est aux portes de la métaphysique (la musique y parvient également, peut-être mieux).
Cette lisière est celle-la-même que je tente d'exprimer par le biais de la peinture. Cela réclame, j'en suis sûr maintenant, une attitude dépourvue de bavardages. Il me faut proposer l'essentiel et non distraire le spectateur. Celui-ci devrait se trouver placé là où la matière effleure le diaphane, où le «réel» prend une signification grâce à l'intuition (nous ne sommes pas dans le symbole qui est de l'ordre du savoir, de la culture). Comment puis-je vérifier que mon but est atteint ? Je ne sais pas si j'y parviendrai un jour. Chaque spectateur peut avoir une sensibilité et une réponse personnelle. C'est peut-être la limite à laquelle la peinture se heurte, comme toute tentative de communication.
L'expression du peintre est entièrement soumis aux aléas de l'espace, du temps et des personnes qui observent ; le malentendu est fréquent ; loin d'être stérile, il porte en lui les germes d'une multitude de sens et d'émotions.
Mais la peinture est-elle une communication ?
Je précise : la peinture est-elle communicante ? Je ne donnerai comme élément de réponse que cet exemple : Goethe a fait peindre les parois des diverses pièces de sa demeure; Pour chacune il utilisa une couleur différente en fonction des atmosphères, des ambiances qu'elle favorisait. C'est bien de peinture en bâtiment que nous parlons.
C'est une leçon d'humilité que je ne veux pas oublier.
Merci pour votre attention.

And now, the translation by Christina 

__ Rays or radiation __

Being or principle. Synonyms?
It is sometimes a difficulty for me to discern what I really want to paint. It is a real process of awareness.
I recall briefly that the painting itself can, by the dynamics of the keys for example, restore the idea of ​​life (cf the previous articles #chaos). The composition and the use of contrasts are others ways.
But is that enough?
Many painters have for subject the painting itself. They therefore use, possibly, the modes of expression that I have just stated. The subject serving as a pretext, which "abstract" painting does not need at all !
Other painters wish to express themselves on a subject. They are motivated either by the motive in the picturesque sense of the term, or by what the motif underlies; The Surrealists, the Symbolists are part of it. Some, like the Nabis, decided to put art everywhere, for decorative purposes. Painting, on the other hand, can also be a vehicle for a political or religious message. [see image n° 1]

Can we go beyond that?
The Romantics have succeeded in expressing the concept of the sublime, which is the respect, the fear that the human can feel in the immensity and the power of the elements of Nature, which is then quasi-deified. Pictorial art then touches the human, but in a very special dimension of its being. Matter is at the gates of metaphysics (music also succeeds at it, perhaps better).  [see image n° 2]
This edge is the very one I try to express through painting. This, I am sure now, demands an attitude devoid of gossip. I must propose the essential and not distract the viewer. The latter should be placed where the matter touches the diaphanous, where the "real" takes on meaning through intuition (we are not in the symbol that is of the order of knowledge, of culture). How can I verify that my goal is met? I do not know if I will succeed one day. Each viewer can have a sensitivity and a personal response. This is perhaps the limit to which painting comes up, like any attempt of communication. [see image n° 3]
But is painting a communication? 
Is the painting communicative? I will give as an element of answer only this example: Goethe had the walls of the various rooms of his dwelling painted; For each one he used a different color according to the atmospheres, ambiances or dynamics that the color favored. Yes, we are talking about house painting.
It is a lesson of humility that I do not want to forget.
Thank you for your attention.