vendredi 26 juin 2015

Autoportrait intérieur - l'autobiographie dans l'art

Un exercice pratiqué souvent par les peintres est l'autoportrait. Facile à plus d'un titre - le modèle est toujours disponible pendant la durée de la session et n'éprouve aucune susceptibilité au vu du résultat - il permet, en plus d'une introspection personnelle, de faire le bilan pratique de son art, voire d'en explorer des facettes inconnues.  Nous avons déjà parlé de tout ceci lors d'un article précédent.

Ce dont je veux parler aujourd'hui est une forme toute particulière d'autoportrait : les images qui parlent expressément d'un événement particulier de la vie du peintre. Ainsi Monet a-t-il réagi au décès de son épouse en la peignant telle que sur son lit mortuaire. On connaît Munch pour ses évocations très expressives des angoisses et désirs liés à une relation impossible avec une personne convoitée. Plus joyeusement, les maternités de Renoir montrant son épouse Aline et ses enfants au fur et à mesure de leurs croissances. Bonnard était le spécialiste de la peinture intimiste ; même ses paysages faisaient montre d'une vision très intériorisée. 
Je ne donnerai pas l'exemple de Van Gogh, car même si ses premiers travaux dans le Borinage (par exemple : Les mangeurs de pommes-de-terre) étaient très ancrés dans sa vie présente, les analyses de ses futurs travaux tenaient plus de la psychanalyse - grande spécialité des critiques d'art, comme chacun sait - que d'une véritable approche picturale de son oeuvre.


Or, ce n'est pas de psychanalyse que je veux rendre compte aujourd'hui. J'ai concentré mon énergie de la semaine à l'évocation d'une très récente mésaventure que j'ai vécue il y a dix jours. Pour des raisons qu'il est inutile d'évoquer maintenant, je me suis retrouvé en privation d'un médicament très puissant contre la douleur (opiacée). Une véritable crise de manque telle que la vivent bien trop souvent les personnes en proie à diverses toxicomanies. Il est impossible de décrire précisément les souffrances inhérentes à cet état. La douleur et la détresse sont présentes dans chaque cellule du corps.  On appelle la mort à la rescousse. L'oubli. Le néant.


Après quelques jours, tout en les étayant par une documentation glanée sur le web, je me suis mis à la recherche d'images mentales qui pourraient m'aider à extérioriser ce ressenti dont je voulais me débarrasser, tout en le transcendant. Car je dois affirmer ici que cette expérience m'a amené ensuite à revoir la vie et le monde avec les yeux d'un rescapé, d'un survivant en état de totale gratitude, de grand émerveillement.
Fort de tous ces éléments, je me suis mis à voir des bébés, foetus mort-nés, pour des raisons qu'il ne m'appartient pas de juger. Que peut ressentir un être en devenir que l'on vient chercher à renfort de scalpel et de tuyau aspirant ?
De quel manque est-il la victime  ?  Il n'a eu ni le choix de vivre, ni celui de mourir.
Inéluctable. Inévitable. Cruel. Ces trois mots me revenaient en mémoire, liés à mon expérience de la souffrance.


Je vais m'arrêter là, afin de laisser les images porter ce que je tenais à partager, à communiquer. Pour cette fois, je livre des travaux de premier jet, dont l'esthétique n'est pas travaillée, et donc non repris à la peinture, préférant l'expression brute (peut-être même brutale), dessinée comme peinte avec des blocs de graphite, de fusain de vigne et de fusain ocré.


Les quatre visages sont de format A4 ou inférieur. La descente a pour dimensions 80x60cm.
Avant l'exposition de ce travail, je voudrais encore témoigner du soutien et de l'amour que mon épouse Christina a manifesté à mon égard, tant pendant la crise elle-même, que lorsque j'ai choisi de la mettre en image de la manière la plus authentique qui soit. Lui rendrai-je assez hommage au travers de mes peintures...
[Please, see the english traduction of this topic after the pictures ]




Descente


English traduction by Christina

Inside Self Portrait - autobiography in art

An exercise often practiced by painters is the self-portrait. Easy for several reasons - the model is always available for the lenght of the session and feels no susceptibility given the outcome - it allows, in addition with a personal introspection, to focus on the practical results of one's art, or to explore unknown facets. We have already discussed all this in a previous article.


What I want to talk about today, is a very special form of self-portrait: the images that speak specifically of a particular event in the life of the painter. Thus, Monet reacts to the death of his wife by painting her on her deathbed. Munch is known for his expressive anxieties evocations as well as for his desires related to an impossible relationship with a coveted love. More happily, Renoir's maternity show his wife Aline and their children as they grow. Bonnard was the specialist of intimate painting; even his landscapes showed a very internalized vision.


I shall not give the example of Van Gogh because, although his early work in the Borinage (see The Potatoes Eater) was  very rooted in his present life, analysis of his future work related more to psychoanalysis - great specialty of art critics, as everyone knows - than to true pictorial approach.
Yet it is not psychoanalysis that I want to develop today. I focused my week's energy on the evocation of a very recent misadventure that I experienced ten days ago. For reasons which need not be mentioned now, I found myself deprived of a very potent pain reliever drug (opioid). A real withdrawal symptom as too often suffered by people subject to various addictions.


It is impossible to accurately describe the calavary endured in this state. Pain and distress are present in every cell of the body. One is calling death to the rescue. Forgetfulness. Nothingness. After a few days, self supporting them with images found on the web, I started to search representations that could help me to externalize this feeling I wanted to get rid of as well as trensend. However, I must state here that this experience brought me to open my eyes to the life and the world with the look of a survivor. A survivor in a state of total gratitude and wonderment.


Considering all above elements, I began to see babies, stillborn foetus, for reasons that are not mine to judge. What can a potential being resent when beeing tortured by a scalpel, sucked through a hose ? Of wich lack is he the victim? He has neither the choice to live, nor die.
Ineluctable. Inevitable. Cruel. Those three words wandered through my memory, related to my experience of suffering.


I'll stop there, to let the picture communicate what I want to share. For this time I shall deliver a first draft work. Whose aesthetic is not worked and therefore does not include painting, I did prefer the raw (rough ?) expression, (possibly brutale), designed as if painted with graphite block, charcoal vine and ocher charcoal.


The four faces are of A4 dimensions or smaller. The descent of 80x60cm dimensions.


Before the exposure of this work, I wish to testify about the support and love that my wife Christina has expressed to me, as well during the crisis itself than when I chose it to be imaged in the most authentic way ever. I shall give her tribute through my paintings ...

vendredi 19 juin 2015

Transformation et métamorphose

Beaucoup d'artistes travaillent sans thème, pour le seul plaisir de manipuler des matières colorées. D'autres se donnent pour mission de représenter leur sujet le plus fidèlement possible.
Pour ma part, je prends plaisir à matérialiser les symboles, qui habitent mon état d'esprit, à l'aide de couleurs et de formes que j'ai grand plaisir à mettre en oeuvre.

Voici l'aspect matériel, technique, lié au tableau de l'article précédent, dans lequel j'avais abordé les "lumières philosophiques" de l'image.

En fait, au départ,  j'avais simplement désiré faire le portrait dessiné d'un saule pleureur,weeping willow en anglais,  vu de deux angels différents, dans la technique du fusain. Ce devaient être de simples études du même arbre, que j'envisageais de peindre, le cas échéant, dans une composition à créer ultérieurement.

Ayant décidé de travailler sur une grande surface (88x63cm), les deux études formèrent ensemble, et de facto, une composition,  à laquelle je rajoutai un troisième végétal indéterminé pour offrir un équilibre plus satisfaisant à mes yeux. Constatez avec la première reproduction.
premier état

Pour le plaisir, j'ajoutais quelques pigments secs pour égayer le tout.
Le résultat, vous le voyez sur la seconde reproduction.
état second

A ce stade, je pouvais tout laisser tel quel, obtenant une composition achevée, dans une catégorie technique proche du dessin.
Je décidai néanmoins de transformer l'image en tableau coloré en utilisant les ressources propres à la tempera à l'oeuf.
J'obtins alors ce que nous voyons dans la troisième reproduction.
tiers état

Le saule pleureur s'appelle en latin le salix sepulcralis tristis. C'est exactement ce que je ressentais face à cette image : tristesse et morbidité.
Alors que j'aime la lumière.
Je restais quelques temps dans cette impasse.
Je décidais ensuite de reprendre la structure en modifiant complètement le bas du tableau. C'était laid, mais avait le mérite de me forcer à une alternative : tout abandonner ou repartir de presque zéro, ne gardant que le "souvenir visuel" de cette étape comme base de renouveau..
boulversement

C'est ce que je fis en voilant toute la surface d'une tempera au blanc de titane. Voyez cette "lessive" sur la cinqième reproduction.
temps de lessive

J'ai ensuite repris l'image sens dessus dessous pour retoucher la structure du dessin, sans savoir comment manifester ce qui devenait le thème du tableau :  je voulais une composition traitant de la lumière dans la lumière. 
J'ai conservé le souvenir des saules pour en faire les symboles des éceuils rencontrés et j'ai finalement ajouté une sorte de limite, d'horizon translucide qui matérialisait les deux domaines lumineux qui m'intéressaient, pour lesquels je me sentais vraiment impliqué.
Le résultat, vous l'avez vu dans l'article précédent. Je le reproduis ci-dessous pour mémoire.
lumières et éceuils 


mercredi 17 juin 2015

lumière et Lumière

«Je suis émergé dans la lumière du Jour» W. Blake

Pour cet article, je me contente de réflexions. Juste quelques phrases sur la lumière et son expression.

La science montre les faits, les démontre. Jamais elle n'en donne la signification. Elle ne doit pas le faire. C'est le rôle de la religion -par la foi - et de la philosophie -par la raison -.

La tierce voie est celle de la poésie.  Langage universel, elle peut s'utiliser aussi bien en science que dans les domaines spirituels.  Sans nommer le but, elle peut suggérer un chemin qui peut y amener. On atteint alors parfois ce que l'humain croit être la "Vérité". 
La science nous donne la lumière. 
La Poésie nous donne la Lumière.
La peinture parfois est poétique, parfois démonstrative. Certains peintres utilisent des brumes, parfois abstraites. Il s'agit bien souvent d'un art de musée qui retranscrit, cite ou imite les impressions de lumière matérialisée de Turner (lui les a perçu et les a montré), sans toutefois les rattacher à la Vie. Elles sont jolies, mais un peu creuses. 
Le tableau ci-dessous, serait plutôt une sorte de topographie de la lumière et de la Lumière, montrant aussi quelques éceuils où les Titanic de la pensée pourraient bien s'abîmer.
J'aurai certes pu en épaissir la lumière. Je n'aurais fait alors qu'une (mauvaise) imitation de Turner. Il y en a bien assez sur le web :o)
Etude au fusain et tempera, 63x88cm
La poésie est un art difficile, en peinture aussi. Bien souvent elle laisse à son auteur un sentiment d'insatisfaction. Malgré tout il publie ses oeuvres. Il n'a qu'elles.

Le prochain article montrera l'évolution d'une étude au fusain de deux arbres jusqu'à la peinture ci-dessus.
A bientôt


English résumé

« I am merged in  the DayLight » W. Blake

There is the light. There is the Light. The first one is physical. The Light is what shows us a way to what we believe to be the "Truth".

Turner was one of the first poet of Light. We see among the Web a lot of imitations of his works, even trough abstract paintings. (I think it's a museum art, often not fed with "real life"). We also find a lot of hyper-realistic paintings. Every artist has his own poetic way and publishes it. The works, as unsatisfying they may be for him, are the only things he has.

This article is quite philosophical. The next one will show how a charcoal study of trees happens to be the tempera painting you can see in this one.
See you soon