Un exercice pratiqué souvent par les peintres est l'autoportrait. Facile à plus d'un titre - le modèle est toujours disponible pendant la durée de la session et n'éprouve aucune susceptibilité au vu du résultat - il permet, en plus d'une introspection personnelle, de faire le bilan pratique de son art, voire d'en explorer des facettes inconnues. Nous avons déjà parlé de tout ceci lors d'un article précédent.
Ce dont je veux parler aujourd'hui est une forme toute particulière d'autoportrait : les images qui parlent expressément d'un événement particulier de la vie du peintre. Ainsi Monet a-t-il réagi au décès de son épouse en la peignant telle que sur son lit mortuaire. On connaît Munch pour ses évocations très expressives des angoisses et désirs liés à une relation impossible avec une personne convoitée. Plus joyeusement, les maternités de Renoir montrant son épouse Aline et ses enfants au fur et à mesure de leurs croissances. Bonnard était le spécialiste de la peinture intimiste ; même ses paysages faisaient montre d'une vision très intériorisée.
Je ne donnerai pas l'exemple de Van Gogh, car même si ses premiers travaux dans le Borinage (par exemple : Les mangeurs de pommes-de-terre) étaient très ancrés dans sa vie présente, les analyses de ses futurs travaux tenaient plus de la psychanalyse - grande spécialité des critiques d'art, comme chacun sait - que d'une véritable approche picturale de son oeuvre.
Or, ce n'est pas de psychanalyse que je veux rendre compte aujourd'hui. J'ai concentré mon énergie de la semaine à l'évocation d'une très récente mésaventure que j'ai vécue il y a dix jours. Pour des raisons qu'il est inutile d'évoquer maintenant, je me suis retrouvé en privation d'un médicament très puissant contre la douleur (opiacée). Une véritable crise de manque telle que la vivent bien trop souvent les personnes en proie à diverses toxicomanies. Il est impossible de décrire précisément les souffrances inhérentes à cet état. La douleur et la détresse sont présentes dans chaque cellule du corps. On appelle la mort à la rescousse. L'oubli. Le néant.
Après quelques jours, tout en les étayant par une documentation glanée sur le web, je me suis mis à la recherche d'images mentales qui pourraient m'aider à extérioriser ce ressenti dont je voulais me débarrasser, tout en le transcendant. Car je dois affirmer ici que cette expérience m'a amené ensuite à revoir la vie et le monde avec les yeux d'un rescapé, d'un survivant en état de totale gratitude, de grand émerveillement.
Fort de tous ces éléments, je me suis mis à voir des bébés, foetus mort-nés, pour des raisons qu'il ne m'appartient pas de juger. Que peut ressentir un être en devenir que l'on vient chercher à renfort de scalpel et de tuyau aspirant ?
De quel manque est-il la victime ? Il n'a eu ni le choix de vivre, ni celui de mourir.
Inéluctable. Inévitable. Cruel. Ces trois mots me revenaient en mémoire, liés à mon expérience de la souffrance.
Je vais m'arrêter là, afin de laisser les images porter ce que je tenais à partager, à communiquer. Pour cette fois, je livre des travaux de premier jet, dont l'esthétique n'est pas travaillée, et donc non repris à la peinture, préférant l'expression brute (peut-être même brutale), dessinée comme peinte avec des blocs de graphite, de fusain de vigne et de fusain ocré.
Les quatre visages sont de format A4 ou inférieur. La descente a pour dimensions 80x60cm.
Avant l'exposition de ce travail, je voudrais encore témoigner du soutien et de l'amour que mon épouse Christina a manifesté à mon égard, tant pendant la crise elle-même, que lorsque j'ai choisi de la mettre en image de la manière la plus authentique qui soit. Lui rendrai-je assez hommage au travers de mes peintures...
[Please, see the english traduction of this topic after the pictures ]
Descente |
English traduction by Christina
Inside Self Portrait - autobiography in art
An exercise often practiced by painters is the self-portrait. Easy for several reasons - the model is always available for the lenght of the session and feels no susceptibility given the outcome - it allows, in addition with a personal introspection, to focus on the practical results of one's art, or to explore unknown facets. We have already discussed all this in a previous article.
What I want to talk about today, is a very special form of self-portrait: the images that speak specifically of a particular event in the life of the painter. Thus, Monet reacts to the death of his wife by painting her on her deathbed. Munch is known for his expressive anxieties evocations as well as for his desires related to an impossible relationship with a coveted love. More happily, Renoir's maternity show his wife Aline and their children as they grow. Bonnard was the specialist of intimate painting; even his landscapes showed a very internalized vision.
I shall not give the example of Van Gogh because, although his early work in the Borinage (see The Potatoes Eater) was very rooted in his present life, analysis of his future work related more to psychoanalysis - great specialty of art critics, as everyone knows - than to true pictorial approach.
Yet it is not psychoanalysis that I want to develop today. I focused my week's energy on the evocation of a very recent misadventure that I experienced ten days ago. For reasons which need not be mentioned now, I found myself deprived of a very potent pain reliever drug (opioid). A real withdrawal symptom as too often suffered by people subject to various addictions.
It is impossible to accurately describe the calavary endured in this state. Pain and distress are present in every cell of the body. One is calling death to the rescue. Forgetfulness. Nothingness. After a few days, self supporting them with images found on the web, I started to search representations that could help me to externalize this feeling I wanted to get rid of as well as trensend. However, I must state here that this experience brought me to open my eyes to the life and the world with the look of a survivor. A survivor in a state of total gratitude and wonderment.
Considering all above elements, I began to see babies, stillborn foetus, for reasons that are not mine to judge. What can a potential being resent when beeing tortured by a scalpel, sucked through a hose ? Of wich lack is he the victim? He has neither the choice to live, nor die.
Ineluctable. Inevitable. Cruel. Those three words wandered through my memory, related to my experience of suffering.
I'll stop there, to let the picture communicate what I want to share. For this time I shall deliver a first draft work. Whose aesthetic is not worked and therefore does not include painting, I did prefer the raw (rough ?) expression, (possibly brutale), designed as if painted with graphite block, charcoal vine and ocher charcoal.
The four faces are of A4 dimensions or smaller. The descent of 80x60cm dimensions.
Before the exposure of this work, I wish to testify about the support and love that my wife Christina has expressed to me, as well during the crisis itself than when I chose it to be imaged in the most authentic way ever. I shall give her tribute through my paintings ...
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