Quelques jours ou semaines plus tard, il la reprit pour l'examiner. Il découvrit -à sa grande surprise- que le tableau était désormais achevé. Il n'y avait évidemment aucun Lutin ou bon génie au service occulte de Braque. Non. Le seul génie à l'œuvre était sa capacité créatrice. Par simple évolution de sa pensée, Braque put considérer le tableau comme achevé, tel quel.
L'explication du phénomène est bien simple. Tous les Salons du temps des Impressionnistes et au-delà l'ont vu à l'œuvre. Dans un premier temps, l'esprit rechigne à considérer l'inconnu, l'étrange, l'étranger comme familier. Son instinct de préservation mettra en œuvre un processus de rejet, en provoquant un scandale par exemple.
Mais, petit à petit, si l'objet n'a pas été détruit ou si d'autres, semblables, ont réussi à émerger, c'est l'effet inverse qui se produit, soit par apprivoisement, soit par assimilation. Là aussi, le temps fut le maître d'œuvre de la réussite.
Cette longue introduction est là pour m'aider à raconter ce qui m'est arrivé lors de la réalisation de l'invitation n° 11. La composition entière tend à amener le regard vers le visage. Ce dernier doit donc être suffisamment intéressant pour mériter l'effort d'attention du spectateur. Mais comment faire ? Le regard est baissé, le visage est au tiers caché. Reste la chevelure.
Comment la rendre intéressante et expressive sur une si petite surface ?
On voit sur les premières reproductions que j'amoncelle des couches de peinture, cherchant le mouvement, le volume, la luminosité et ceci jusqu'au point où la surface est manifestement surchargée. Il me reste alors l'alternative de blanchir la surface avec une couche supplémentaire ou alors d'essayer de laver progressivement les couleurs en faisant une peinture par retrait. J'ai mis en œuvre cette dernière option pour obtenir ceci [tableau]
L'effet tel quel serait acceptable si un trait presque continu n'entourait la surface, transformant ma peinture en dessin. Il allait falloir chercher encore.
Quelques jours après j'étalai grossièrement à la spatule des jus très dilués de mes trois couleurs primaires, avec des traces de blanc ici et là. Dans un premier temps, le résultat me parut inacceptable. J'étais très déçu. Peu après, il me sembla que j'avais peint une sous-couche très intéressante à développer. J'étais heureux de cette perspective. Au moment où j'écris ces lignes, j'en suis venu à penser que cette chevelure était finalement telle que je la désirais sans le savoir vraiment !
Peut-être n'approuverez-vous pas mon choix. Revenez le voir dans quelque temps, vous et lui serez peut-être apprivoisés.
Pour voir Le tableau entier (invitation n°11 tempera sur Arches 76x56cm)
And now, the english version by Christina
Georges Braque explained that "time" was an active component in the development of a canvas. He proved his allegation this way : after working a long time on a
première version ...en attente |
The explanation of the phenomenon is simple. All the Salons, from the time of the Impressionists and beyond, have seen it at work. First, the mind boggles to consider the unknown, the odd, the stranger as familiar. His instinct of preservation will implement a rejection process, causing a scandal for example.
But gradually, if the object has not been destroyed, or if others, similar, managed to emerge, the opposite effect occurs, either by taming, or by assimilation. Again, time was the architect of success.
This long introduction is here to help me tell what happened to me when making the Invitation No. 11. The entire composition tends to bring the look toward the face.This latter should be interesting enough to deserve the viewer's attention effort. But how to do it ? The gaze is down, one third of the face is hidden. Only the hair remain. How to make it interesting and expressive on such a small area?
We saw on the first reproductions of paintings that I piles up layers, seeking movement, volume, brightness, and this to the point where the surface is clearly overloaded. It remains then the alternative to bleach the surface with an extra layer or eventually try to gradually wash the colors making a painting by withdrawal. I implemented this last option to get this [painting]
La version définitive |
A few days later, I spread roughly with a spatula some very diluted juice of my three primary colors, with traces of white here and there. At first, the result seemed unacceptable. I was very disappointed. Soon after, it appeared that I had painted a sub-layer very interesting to develop. I was happy of that perspective. At the time I write this, I have come to think that this hair was finally as I wanted it to be, without knowing it really!
You may, or not, approve my choice. Come back to see it in a while, and maybe you'll tame it.
To see the entire painting (Invitation No. 11 tempera on Arches 76x56cm)
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