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mardi 21 mars 2017

Les principes avant les personnalités

Les principes avant les personnalités

Lorsque je fréquentais un groupe d'amis avec lesquels nous échangions des propos très personnels, en toute franchise de la part de l'orateur, et en grand respect de la part des auditeurs. Nous avions tous accepté préalablement une sorte de règle : « Les principes avant les personnalités». Par «principe » nous entendions quelque chose de l'ordre du concept ; la morale ou la moralité n'avaient aucun droit de cité. Nous étions là pour redonner raison et vitalité à notre être, non pour passer un jugement.
Image 1 Turner "Le déclin de l'empire carthaginois" 1815

Le rapport avec la peinture ?

Je me suis rendu compte que dès le moment où je suis concentré sur le sens que je veux donner à ma peinture, il devient nuisible que des questions de style ou de communication me soient présentes à l'esprit. C'est le moment où seules les influences que j'assume peuvent ressurgir sur ma toile, qu'elles partagent avec mes intentions et mon énergie créatrice.
Pourtant, quelle force ont les conditionnements datant de l'enfance, de la scolarité, où je dois faire la preuve -contre sanction- que toute connaissance, sans que je l'aie demandée, m'a bien été  inculquée, enracinée et imprimée de manière aussi indélébile que possible. Ainsi les bénéficiaires profitant de la société gouvernante s'assurent-ils du profit  réalisé pour eux par le travail des masses bien éduquées.
Cela fonctionne bien, surtout si l'on dispose d'une certaine force dissuasive (police, armée, générations précédentes, contemporains "consentants"). Pareil pour les écoles d'art...
Je ne hisse pas le drapeau noir. Je cherche juste à montrer la puissance inconsciente à l'œuvre en moi sous le nom bien choisi de «surmoi».
Image 2 Turner "Snow Storm..." exh. 1844
C'est ainsi que naissent au pire les ratages, au mieux les «écoles» et les -ismes, tant il est vrai que l'humain vit en meute, se voit en l'autre, existe par absorption.

Ouvrons une parenthèse : “(“ 

Prenons Turner à titre d'exemple. Image 1 :Turner peint comme maître Claude → le 18ème  siècle applaudit, le 21ème soupire compassé ; image 2 : Turner peint ce qu'il a ressenti lors d'une tempête de neige, attaché au mât du vapeur Victoria → le 18ème  siècle se gausse, le 21ème  admire ; image 3 : Turner croque des sujets compensatoires et pornographiques (c'est long les voyages d'étude pour un mâle solitaire) → le 18ème  siècle les jette au bûcher, n'en gardant que quelques uns comme témoignages de sa dégénérescence sénile, le 21ème  admire, expose et montre la précocité de Turner annonçant Courbet (Origine du monde), Degas et d'autres, que prophétisait Fragonard !
Image 3" Femme nue allongée avec un bras derrière la tête"

Fermons la parenthèse “)”


Oui, nous sommes conditionnés, par notre nature grégaire d'abord et la culture dominante, pour colmater les parties manquantes et mettre une couche de vernis. On est alors bien poli.
C'est ainsi avant même notre naissance. Qu'y faire ? A chacun de voir ce qu'il veut pour lui-même, sachant que la liberté se paie bien souvent en monnaie de solitude, d'incompréhension, d'une renommée à peine tribale. Les réputés "fous” ont quant à eux un art propre que l'on dit brut, tant il ne ressemble à rien d'autre. De l’art brut à l'art des brutes… Je vous laisse la conclusion.

Ah ! les artistes maudits !

Maudits, vous croyez ? Peut-être ont-ils simplement réussi à vivre en dehors du système. Ce dernier n'a donc pas à en faire la promotion. Les meilleurs fruits n'ont pas besoin de passer à la télé pour être savourés. De même il y a l'artiste, l'œuvre, celles et ceux qui en profitent, à l'occasion d'une rencontre, au détour d'un repas ou d'une conversation. Ils sauront bien s’arranger entre eux sans commissaire-priseur (ne sont-ils pas impressionnants, élevés sur un piédestal, marteau de juge en main ?)
Seules les affinités individuelles seront gages de la valeur d'un tableau; aucune cote, pas de catalogue ni de battage médiatique. Le silence, l'émotion esthétique ou/et spirituelle. Le silence encore. Et puis l'entente et le transfert, peut-être momentané, de l'œuvre en d'autres lieux. Magnifique. On croit rêver.  Utopie. Utopie ? Peut-être pas. Rendez-vous d'ici à quelques mois, si vous le voulez bien. Je vous exposerai alors mon projet, sa concrétisation, sa réception. 
Merci de votre attention.
Image 1a Iinvitation 4 → académique

And now an english version by Christina :

Principles before personalities

When I frequented a group of friends with whom we exchanged very personal words, in total frankness the speaker, and with great respect from the auditors. We had all previously accepted a sort of rule: "The principles come before the personalities". By "principle" we meant something of the order of the concept; morale or morality had no place here. We were there to restore reason and vitality to our being, not to pass judgment.

The relationship with painting?

I realized that from the moment I am focused on the meaning I want to give a painting, it becomes detrimental that questions of style or communication be presented to my mind. It is the moment when only the influences that I assume can reappear on my canvas that they share with my intentions and my creative energy.
Yet what strength do the conditioning of childhood, the schooling in which I have to prove -against sanction- that all knowledge, without my having asked for it, has been well inculcated, rooted and printed in a way as indelible as possible. Thus beneficiaries profiting from the governing society make sure of the profit realized for them by the work of the well-educated masses.
It works well, especially if you have a certain dissuasive force (police, army, previous generations, "consenting" contemporaries). Same for art schools ...
Image 2a Invitation 9 → plus de ressenti


I do not wag the black flag. I am just trying to show the unconscious power at work within me under the well-chosen name of "superego."

Thus, at the worst, failures arise, at best the "schools" and the -isms, so much so that it is true that the human lives in a pack, sees itself in the other, exists by absorption.

Let's open the parenthesis "("

Turner painted as master Claude → the 18th century applauded, the 21st sigh compassed, image 2: Turner painted what he felt during a snowstorm attached to the mast of the steamer Victoria → the 18th century is gaussing, the 21st admires; image 3: Turner crunches compensatory and pornographic subjects (it's long study trips for a lonely male) → the 18th century throws them at the stake, retaining only a few as testimonies of his senile degeneration, the 21st admires, exposes and shows the precocity of Turner announcing Courbet (Origin of the world), Degas and others, prophesied by Fragonard!

Let's close the parenthesis ")"

Yes, we are conditioned. By our gregarious nature first and the dominant culture to clog the missing parts then and put a layer of varnish. We are then very polite.
It is thus even before birth. What to do? Everyone has to see what he wants for himself, knowing that freedom often pays for itself in money of loneliness, incomprehension, a hardly tribal fame. The reputed "crazy" have for their part an art which is so crude, so unlike anything else, from raw art to the art of brutes ... I leave you the conclusion.

Ah! The cursed artists!
Image 3b Invitation 8 → achevé en 3 reprises !

Cursed, you believe? Maybe they just managed to live outside the system. The latter does not have to promote it. The best fruits do not need to go on TV to be savored. In the same way, there is the artist, the work, and those who benefit from it, on the occasion of an encounter, in the course of a meal or a conversation. They will be able to arrange themselves between them without auctioneer (aren't they impressive, raised on a pedestal, judge's hammer in hand?)
Only individual affinities will guarantee the value of a painting; No ratings, no catalogs or hype. Silence, aesthetic and/or spiritual emotion. Silence again. And then the agreement and the transfer, perhaps momentary, of the work in other ties. Magnificent. We think we're dreaming. Utopia. Utopia? Maybe not. See you in a few months, if you will. I will explain my project, its concretization, its reception.

Thank you for your attention.

samedi 25 février 2017

Technique- influence- etc.

Peindre, on l'oublie parfois, était une profession qu'il fallait apprendre dès l'adolescence, pour une durée de dix à quinze ans. Pas question d'avoir des angoisses liées à son moi profond en regard d'une création picturale qui marquerait définitivement l'histoire de l'art, un tournant pour l'humanité. Non. Tu fais ta cimenterie, tu gâches ton plâtre et tu te débrouilles pour finir avant qu'il soit sec. Punto e basta !
Buffon
Etait-ce mieux, moins bien qu'aujourd'hui ? Ce n'est pas le propos de cet article. Ce que j'aimerais examiner est le fait que tout peintre, jusqu'aux Impressionnistes (non compris), apprenait tant la technique que la manière de son maître. Ce n'est qu'avec ce complet bagage qu'éventuellement des particules de sa personnalité pouvaient éclore , pour autant que le commanditaire accepte ensuite de régler la facture des éventuels débordements stylistiques !
La fin du vingtième siècle voit apparaître des écoles où la technique du peintre n'est plus apprise, afin de permettre une meilleure concentration sur le développement de la créativité et des nouvelles technologies (je simplifie). Les artistes  peuvent donc difficilement accepter cette appellation de «peintre». Ils la laissent aux gars du bâtiment. Leur ego se satisfait du terme de «plasticien».
Pour ceux qui VEULENT peindre, envers et contre tout, la presse spécialisée s'empressera de se ruer dans le créneau laissé vacant par les écoles d'art et fera paraître des magazines présentant quelques méthodes au fil des mois, des années.. Où sont les maîtres, les mentors ? Difficile de répondre. Soit on se satisfait de sa richesse intérieure, soit on va voir ce que l'histoire de l'art (forme littéraire ou audio-visuelle) peut nous offrir comme références.
J.M.W. Turner
Fin de la théorie générale (-ment barbante). Prenons un cas concret. Au hasard : le mien. Finalement on ne parle bien que de ce que l'on connaît.
J'ai eu comme principaux maîtres virtuels William Turner, Pierre Bonnard, August Strindberg mais aussi les potes de Chauvet et Lascaux. Cela ne paraît certes pas évident en regardant mes peintures et c'est heureux : pourquoi refaire ce qui a été fait et bien fait.
En réalité, c'est en examinant leurs évolutions picturales respectives, tout en prenant intimement connaissance de leurs biographies et écrits personnels, correspondances, etc, que j'ai pu faire le lien entre leur personne et leur peinture (structures profondes, palettes, sujet, techniques). Une sorte de graphologie picturale, pour ainsi dire. En procédant par analogie je pus commencer à me former .
Il me fallut mieux me connaître, tout en mettant au point les fondements de ma propre technique ; elle devait correspondre au plus juste à mon tempérament et aux sujets que je désirais aborder.
A. Strindberg
Il est évident que je n'imite ni Turner, ni Bonnard , pas plus que Strindberg ou mes ancêtres préhistoriques. Dieu m'en préserve.  Leur point commun, vital s'il en est, est de  se comporter en électrons libres, ce qui est également mon cas. Le parcours des « électrons libres» sera étudié par le comte de Buffon et, plus tard, par Edward Lorenz. Bref, le mieux serait maintenant de leur laisser la parole. Cela m'évitera de faire de grandes phrases redondantes, et vous indiquera ce qui, en plus de l'étude de leur œuvre, m'a grandement ouvert l'esprit et permis de cheminer sur ma propre trajectoire picturale.

Ce sera court. Je fais l'impasse sur la Bible, qui conditionne le quotidien que l'on soit croyant ou non, par le biais des constitutions et appareils judiciaires et sociaux divers. J'omets également Spinoza, car le lien avec l'art peut de prime abord paraître contestable, sinon improbable.
Voici donc quelques citations porteuses de mon travail :

0. Les peintre de Chauvet, Lascaux, etc
Je ne leur ferai pas l'insulte de prétendre les avoir compris. Qui le pourrait ? On leur doit de nous introduire au mystère pictural [(alt)de l'image peinte].
1. Georges Louis Leclerc, comte de Buffon (1707-1788)
Citation datant de 1783 montrant que sa vision d’un monde ergodique et mélangeant  était bien proche de celle de Lorenz.
P. Bonnard
[...] tout s’opère, parce qu’à force de temps tout se rencontre, et que dans la libre étendue des espaces et dans la succession continue du mouvement, toute matière est remuée, toute forme donnée, toute figure imprimée ; ainsi tout se rapproche ou s’éloigne, tout s’unit ou se fuit, tout se combine ou s’oppose, tout se produit ou se détruit par des forces relatives ou contraires, qui seules sont constantes, et se balançant sans se nuire, animent l’Univers et en font un théâtre de scènes toujours nouvelles, et d’objets sans cesse renaissants».
[ HISTOIRE NATURELLE DES MINÉRAUX. Tome Second ]

2. J. M. William Turner (1775-1851)
les citations ci-dessous me parlent d'expression poétique, de communication spirituelle. Elles m'aident à mettre en place mes propres outils de partage altruiste par l'image peinte (ou, parfois, dessinée).
[.] Mélanger toutes les minuties dans la couleur ambiante, dorée et vaporeuse».
[.] Donner au néant de l'air une forme substantielle».
[.] Ô Seigneur, détourne le souci menaçant et ouvre-moi des perspectives radieuses.

3. August Strindberg (1849-1912)
E. Lorenz
« La formule de l'art à venir (et comme tout le reste à s'en aller !) : c'est d'imiter la nature à peu près : et surtout d'imiter la manière dont crée la nature. »
Il ne s'agit pas de dépeindre la vie, la nature, La création, mais bien de créer, de peindre comme la vie, la nature, l'auraient fait.
[ Du hasard dans la production artistique ( L’Echoppe 1892-4)]

4. Pierre Bonnard (1867-1947)
[.] L'homme qui siffle n'est pas toujours heureux.
[.] Il ne s'agit pas de peindre la vie, mais de rendre vivante la peinture.
[ Observations sur la peinture, éd. L'Atelier contemporain - (2015)]

5. Edward Lorenz (1917-2008)
Il découvrit, dès 1963, le principe fondateur de la théorie du chaos, à savoir que :
[.] une infime variation de paramètres à un moment donné peut faire varier énormément le résultat final. »

And now, the english version by Christina :

__ Technique- influence- etc. __

It is sometimes forgotten (alt) that before becoming an "enriching" recreation, painting was a profession that had to be learned from the beginning of adolescence for a period of ten to fifteen years. It was not a question of having anxieties linked to a deep self-esteem for a pictorial creation that would definitively mark the history of art, even more a turning point for humanity. No way. You mix your cement, you spoil your plaster and you manage to finish before it dries. Punto e basta!
Was it better, worse than today? This is not the purpose of this article. What I would like to examine is the fact that every painter, up to the Impressionists (not included), learned both the technique in general and the way of his master. It was only with this baggage that eventually particles of his personality could hatch, as long as his sponsor agrees to pay the bill for his possible stylistic excesses!
The end of the twentieth century saw the emergence of schools where one no longer learned the techniques of the painters in order to concentrate firstly on the development of creativity and new technologies (I simplify). Artists can therefore hardly accept the term "painters". They leave it to the guys of the building corporation. Their ego is satisfied with the term "plastic or visual artist".
For those who WANT to paint, against all odds, the specialized press will rush into the niche left vacant by art schools and publish magazines presenting some methods over months, years... Where are The masters, the mentors? Difficult to answer. Either one is satisfied with its inner richness, or he will see what the history of art (literary or audio-visual form) can offer as references.
End of the generally (boring) theory. Let us take a concrete case. At random: mine. Finally, we talk well only about what we know.
I had as principal virtual masters William Turner, Pierre Bonnard, August Strindberg, but also my pals of Chauvet and Lascaux. It certainly does not seem obvious when looking at my paintings and it's good: why do what has been done and well done?
In reality, it was by examining their respective pictorial evolutions, while being intimately acquainted with their biographies and personal writings, correspondences, etc., that I was able to make the connection between their person and their painting (deep structures, palettes, subject , techniques). A sort of pictorial graphology, so to speak. By proceeding by analogy I could begin to train myself.
I had to know myself better, while at the same time developing the foundations of my own technique; it had to correspond exactly to my temperament and the subjects I wished to approach.
It is evident that I do not imitate either Turner or Bonnard, any more than Strindberg or my prehistoric ancestors. God forbid. Their vital common point if any, is to behave as free electrons, which is also my case. The course of the "free electrons" will be studied by the Count of Buffon and later by Edward Lorenz. In short, the best thing now would be to give them the floor. This will avoid me making great redundant phrases, and will tell you what, in addition to the study of their work, greatly opened my mind and allowed me to walk on my own pictorial trajectory.

It will be short. I ignore the Bible, which conditions the everyday life whether one believes or not, through various judicial and social constitutions and systems. I will also omit Spinoza, for the link with art may at first appear to be questionable, if not improbable.

So here are some quotes from my work:


0. The painters of Chauvet, Lascaux, etc.
I will not make them the insult of pretending to have understood them. Who could? We owe them the introduction to the pictorial mystery [(alt) of the painted image].

1. Georges Louis Leclerc, Count of Buffon (1707-1788)
Quotation dating from 1783 showing that his vision of an ergodic and blending world was very close to that of Lorenz.
Everything takes place, because in the course of time everything is met, and in the free extension of spaces and in the continuous succession of motion, all matter is moved, every form given, every figure printed; Everything is brought together or withdrawn, everything unites or runs, everything combines or opposes each other, everything is produced or destroyed by relative or contrary forces, which alone are constant, and swinging without harming one another, Animate the Universe and make it a theater of ever new scenes, and objects that are constantly reviving. "
[NATURAL HISTORY OF MINERALS. Tome Second]

2. J. M. William Turner (1775-1851)
The quotations below speak to me of poetic expression, of spiritual communication. They help me to set up my own tools of altruistic sharing by the painted (or, sometimes, drawn) image.
[.] Mix all the minutiae into the ambient color, golden and vaporous ".
[.] Give to the nothingness of the air a substantial form ".
[.] O Lord, turn away the threatening concern and open me radiant perspectives.

3. August Strindberg (1849-1912)
"The formula of art to come (and like all the rest to go!) Is to imitate nature almost, and above all to imitate the way nature creates. "
It is not a question of depicting life, Nature, creation, but of creating, painting as life, Nature, would have done.
[Chance in artistic production (1892-4)]

4. Pierre Bonnard (1867-1947)
The man who whistles is not always happy.
[.] It is not a question of painting life, but of making the painting alive.
[Observations on painting - (2015)]

5. Edward Lorenz (1917-2008)
He discovered, as early as 1963, the founding principle of the theory of chaos, namely that:
[.] A tiny variation in the parameters at a given moment can make the final result vary enormously."


mardi 5 janvier 2016

les «maîtres»

Un saut de puce à Paris, l'occasion pour Christina et moi d'aller voir la collection Hahnloser au Musée Marmottan.
Les Hahnloser sont des mécènes et collectionneurs suisses. Les impressionnistes, post-impressionnistes et quelques autres. Des toiles du vingtième siècle, dont la collection voyage ces-temps-ci de par le monde, faute de pouvoir être exposée à la Villa Flora, demeure familiale à Winterthur. Après Berlin, Paris, donc.
Cela a-t-il un sens pour un artiste, au 21ème siècle, de regarder, voire étudier, des oeuvres faites avant même sa naissance ? Ces tableaux sont-ils des  pierres tombales des musées -cimetières de l'art, comme les appellent parfois nos contemporains ?

Pour ma part, ces oeuvres sont des objets humains, porteurs de beauté, souvent, de sens, parfois, d'un état d'esprit, toujours. Ce sont donc des témoins spirituels et matériels de leur espace-temps. Je les contemple au même titre et avec la même joie que des peintures d'aujourd'hui, des fresques préhistoriques, des galaxies caressées par les comètes, ou un coucher de soleil réchauffant notre pollution...


Les «maîtres» ont toujours été soit vénérés soit conspués, selon que l'époque ait besoin de racine ou d'évlution.
Alors oui, contrairement à l'air qui tourne à vide dans l'atmosphère de mon temps j'ai envie de revisiter «les Maîtres», toutes époques confondues : Rubens, de la Tour, Turner, Bonnard et tous ceux qui pourraient croiser mon chemin au détour d'une cimaise. Ces gens-là connaissaient leur métier et peuvent donc beaucoup m'apprendre et je me plais beaucoup à croiser leur esprit qui, en son temps, me donnera une impulsion  créatrice et un fondement humain.
Un artiste minimaliste contemporain ?  un maître zen ?
simplement J.M.W. Turner, Boats at sea, 1830

A contemporary minimalist artist? a Zen master?
simply J.M.W. Turner, Boats at sea, 1830






Une petite traduction pour nos amis anglophones :
Christina à l'oeuvre...
A small translation for our English speaking friends:
Christina at work ...

English résumé

A short hop to Paris, the opportunity for Christina and me to go there to see the Hahnloser's collection at the Marmottan museum.
The Hahnloser are Swiss patrons and collectors. They collected the Impressionists, Post-Impressionists and some others. Paintings of the twentieth century. For the time being, the entire collection travels through the world, unable as it is to settle at the Villa Flora, in Winterthur, its family home. After Berlin, Paris, then.

Does it make sense for an artist of the 21st century, to watch or study, works anterior to his birth ? Are these pictures some sort of gravestones, placed in our art cemetary the so-called museums by some of our contemporaries ?

For me, these works are human objects, carriers of beauty, often, of sense, sometimes, of state of mind and spirit, always. They are spiritual and material witnesses of their time and space. I contemplate them with the same joy and respect than paintings of nowadays, prehistoric frescoes, galaxies lapped by comets or a sunset warming up our pollution…

"Masters" have always been either revered or reviled, depending on whether the time needs root or évolution.
So yes, unlike the air spinning in the hollow atmosphere of my time I want to revisit the "Masters" of all times : Rubens, de la Tour, Turner, Bonnard and some others who could meet my path turning a chair rail. These guys know their stuff and can teach me so much and I like the idea to cross their mind that, in its time, will give me a creative impulse and a human basis.

vendredi 18 décembre 2015

la matière psychopompe

Je travaille depuis quelque temps sur ce tableau    - invitation [lisière-edge] 02.
invitation lisière 02
J’ai le bonheur de peindre quelques heures chaque jour. C’est l’une de mes activités les plus équilibrantes. J’ai atteint hier ce moment très spécial où je sens que cette aventure particulière qu’est l’élaboration d’une image arrive à son second point culminant – l’interruption du processus créatif pour cause d’achèvement probable. Le troisième temps fort sera la transmission du tableau à un dépositaire.
Mais qu’en est-il du premier temps fort : celui où la concrétion de l’esprit est tellement puissante qu’elle met le peintre en route sur une nouvelle œuvre et l’accompagne durant tout le processus créatif ?
Hier, disais-je plus haut, je regardais mon travail lorsque l’évidence d’une réminiscence m’est apparue : tout un pan du tableau trouvait écho dans une œuvre que je connaissais bien, l’ayant vue à quelques reprises depuis une vingtaine d’années.
J.M.W. Turner
La déesse de la discorde
choisissant la pomme de contention
dans le jardin des Hespérides
exposé en 1806
Cela ne m’a pas choqué. Je sais que ma pensée a des racines culturelles. Je ne revendique aucune capacité divine de création « originale » dans le sens courant de « originel ». De plus, j’aime énormément Turner qui, lui aussi, s’inspirait ouvertement des courants artistiques auxquels il savait appartenir.
L’autre aspect, qui m’est apparu évident et intéressant, de mon image – maintenant que j’avais pris un peu de recul vis-à-vis d’elle –, est qu’elle se composait d’éléments qui faisaient partie de mes réflexions actuelles : menaces de daech et dérèglement climatique terrestre, ainsi que mes propres capacités d’action quant à ces deux problèmes.
« Arte » et « poiête » signifient en latin et grec « concrétiser, matérialiser, fabriquer ». L’artiste et le poète fabriquent, matérialisent et concrétisent. C’est leur essence, leur rôle, leur finalité. Mais sur quel motif ?
Je pense qu’il s’agit de se rendre complètement perméable à son existence propre et à son contexte vital, usant de toute ses sensibilités, et de les exprimer de manière à les transmettre intelligiblement au sens spirituel du terme. Il s’agit de s’adresser essentiellement à l’esprit de tout individu, à commencer par soi-même, pour animer son existence. L’esprit étant ce qui soutient l’individu dans son action.
Le psychopompe, selon la définition acceptable de Wikipédia, est l’être fantastique, mythique, qui conduit l’âme vers son ultime destination, quelle qu’elle soit.
Hormis l’aspect « ultime », sait-on jamais quelle sera notre dernière décision ? l'artiste-poète est bien celui qui, par l’énergie induite de son œuvre, conditionnera et animera le présent de celui qui la reçoit.
Ne serait-ce pas là une définition acceptable ? Je la préfère à celle qui voudrait qu’un artiste est celui qui vend ses œuvres (ce qui réduirait Vincent à n’être qu’un raté et élèverait Christie ou Sotheby au rang de génies artistiques. Rire.
Ceci étant posé, je me rends compte, intuitivement, qu’il y a une distance très courte entre un psychopompe et un propagandiste : l’intention. Le psychopompe agit en révélateur de la personne qui reçoit l’œuvre, puisqu’elle a besoin de son propre esprit pour « compléter » l’œuvre, lui donner un sens acceptable pour elle ; le propagandiste, quant à lui, cherche à enclore l’esprit dans une pensée unique, unifiée, selon les critères intéressés d’une tierce personne. Une toute petite nuance…
L’artiste pour éviter cet écueil doit donc s’adresser à lui, en une recherche intérieure. Son travail trouvera écho, ou non, selon qu’il sera en adéquation ou en décalage avec ses contemporains, ici, maintenant, ailleurs, plus tard.
C’est sans doute ce qui fait la véritable histoire de l’art.
Merci de votre attention.

Voici maintenant, pour nos amis anglophones, la version de Christina :
And here is the English version of Christina :

English Résumé

Title: The psychopomp (guide of souls) material
I work for some time on this picture -Invitation edge-edge 02.
invitation edge 02
I have the happiness to paint a few hours each day. It is one of my most balancing activities. I attained yesterday the very special time when I feel that this particular adventure, such as the development of an image, reaches its second climax – the interruption of the creative process because of probable completion. The third highlight will be the transmission of the painting to a custodian.
But what about the high point : where the concretion of the mind is so powerful that it sets the artist en route on a new composition and stimulates him during the entire creative process?
Yesterday, as I said earlier, I looked at my work when the evidence of a reminiscence appeared to me : an entire section of my picture was echoed in a work that I knew quite well, having seen it a few times over the last twenty year.
J.M.W. Turner 
The Goddess of Discord
Choosing the Apple of Contention
in the Garden of the Hesperides
exhibited 1806

I was not shocked. I know that my thoughts have cultural roots. I do not claim any divine capacity of "original" creation in the current meaning of "original". Again, I absolutely love Turner, who , too, was openly inspired by art movements which he knew to belong.
The other aspect, that became clear and interesting to me, of my image - now that I had taken some distance, is that it consisted of elements that were part of my current reflections : daech threats and terrestrial climate disruption, as well as my own (in)capacity for action facing both issues.
"Arte" and "poiête" mean in Latin and Greek "concretize, materialize, making". The artist and the poet manufacture, concretize and materialize. Its their essence, their role, their purpose. But on what grounds ?
I think one must render itself totally permeable to its own existence and vital context, using all his sensibilities, and expressing them in an intelligible and spiritual way. It is a question of addressing essentially to the mind of each human being, starting with oneself, to animate his existence. The spirit being what sustains the individual in his action.
The psychopomp, according to the acceptable definition of Wikipedia, is the fantastic, mythical being, which leads the soul to its ultimate destination, whatever that is.
Apart from the "ultimate" aspect, who knows what will be our last decision ? the artist-poet is the one who, through the induced energy of his work, will condition and animate the present of the one who will receive it.
Would this not be an acceptable definition ? I prefer it to the one pretending that the «real» artist is the one who sells his works (which would reduce Van Gogh to a looser and raise Christie or Sotheby the rank of artistic geniuses). Laugh.
That said, I realize, intuitively, that there is a very short distance between a psychopomp and propagandist : the intention. The psychopomp acts as revealer of the person receiving the work, since he needs his own mind to "complete" the work, give it an acceptable meaning; the propagandist, as for him, seeks to enclose the spirit in an unique thought, unified under the criteria of an interested third party. A tiny nuance...
The artist to avoid this pitfall must address him in an inner search. His work will resonate, or not, wherever it will be compatible or alien to the mindset of his contemporaries, here, now, elsewhere, later.
This is probably what makes the true history of art.
Thanks for your attention.

vendredi 17 juillet 2015

Peinture et art déviants

Nous avons eu l'occasion d'aborder quelques questions sur les portraits dans ces pages. Il y a eu le portrait de mon épouse et un auto-portrait. Le dernier article exposait le portrait d’une expérience très spéciale que j’ai vécue.
J'ai senti la nécessité de m'entourer de deux nouveaux portraits, ayant chacun pour modèle la photographie en noir et blanc de peintres dont l’œuvre et la démarche artistique ont eu un grand impact dans mon propre parcours artistique. Plus qu'une influence visuelle, picturale, c'est bien plutôt d’une parenté d'état d'esprit qu'il s'agit.

Pierre Bonnard 

Bonnard (1867-1947)
Outre une évolution exemplaire et une œuvre remarquable, sa manière d'élaborer ses images témoignent d'une grande honnêteté, authenticité, pouvant aller jusqu’à l'inquiétude, tant les travaux préparatoires et le soin donné à l'observation de chaque détail prennent de l'importance et de la place dans son emploi du temps.
De plus, Bonnard était un chercheur. En groupe d'abord, parmi les Nabis. Il fit ce constat à Ingrid Rydbeck lors d'une rencontre chez lui à Deauville, en 1937 : « Voyez-vous, quand mes amis et moi voulûmes poursuivre les recherches des impressionnistes et tenter de les développer, nous cherchâmes à les dépasser dans leurs impressions naturalistes de la couleur. L'art n'est pas la nature. Nous fûmes plus sévères pour la composition. La couleur était un moyen d'expression duquel nous devions tirer davantage. Mais l'évolution fut plus rapide que nous. La société accueillit le cubisme et le surréalisme avant que nous ayons atteint ce que nous avions considéré comme notre but… Nous nous trouvâmes comme suspendus dans l'espace en quelque sorte…»
Aussi, poursuivit-il seul, presque en ermite, sa quête de vérité. Il se tenait pourtant informé de l'évolution de ses amis et de l'art dans la capitale.

Roger Chomeaux, dit "Chomo"

Chomo (1907-1999)
Élève surdoué et primé plusieurs fois au cours de sa formation de sculpteur à l’École Nationale des Beaux-arts de Paris, il en vint à rejeter l'ensemble du monde artistique de son époque. Il vécut très mal un différend qui dégénéra en scandale lors d'une exposition qui remportait pourtant un immense succès en 1960. Retranché en forêt avec femme et enfants, il fonda et construisit de ses mains le Village d'Art Préludien. Il y bâtit de nombreuses constructions, tout en sculptant, peignant, écrivant, composant et produisant même une douzaine d'heures de film.
Voici quelques une de ses sentences sur l'art :
La vitesse est une insulte au créateur 
Le temps n’existe pas dans la pensée 
Dépassée la frontière de la souffrance, c’est la béatitude 
Avoir osé aller jusqu’aux extrémités de l’âme.
L’artiste pur est un médium disponible à toutes les sensibilités 
L’art n’est pas fait pour être vendu 
Je suis riche de pauvreté, ils sont pauvres de richesse 
Quelle empreinte auras-tu laissée sur la terre pour que ton Dieu soit content ? 
etc.
Pierre Bonnard et Chomo sont pour moi des compagnons de réflexion grâce à leurs communications qui témoignent d'un lent travail de maturation et de développement artistique.
Et si l'on vendait les oeuvres de Bonnard à des prix qu'il trouvait trop élevés, il qualifiait cela de "pas convenable", et offrait directement sa peinture pour des sommes dérisoires, au grand dam de ses marchands d'art habituels.

Bonnard et Chomo : deux caractères opposés, mais un sens commun du souci d'authenticité artistique et d’une certaine pratique de l'ascèse.

J'aurais pu joindre JMW Turner à cette liste, lui qui s'y connaissait également en recherche artistique et en ascèse (il n'utilisa son immense fortune que dans le but d'une diffusion ultérieure gratuite de son art). Il était, lui aussi, un praticien de l'authenticité, jusque dans l'expression du sentiment d'une certaine sublimité. Je n'ai malheureusement fait de lui qu'un portrait ayant pour modèle son masque mortuaire, seule représentation fiable de son visage de peintre adulte. Cependant, je refuse une représentation cadavérique comme symbole d'un interlocuteur. D'ailleurs, la représentation spirituelle, mentale que je me suis fabriquée de lui au travers de sa peinture, de ses écrits et des nombreuses monographies que j'ai lues à son propos, suffit largement à mon bonheur. Je recommande par ailleurs le site de la Tate Gallery qui propose les reproductions numérisées de l'ensemble des oeuvres qu'elle abrite sous son toit.

Voilà pour cet article.
J'espère reprendre rapidement la suite de ma propre quête picturale. J'en rendrai compte bien sûr en ces pages, sans omettre de citer les quelques peintres que mon chemin m'amène parfois à rencontrer.
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English résumé by Christina 

Painting and deviant art 

We take the opportunity to address few questions about the portraits on these pages. There were a portrait of my wife and a self-portrait (link to article). The last article outlined a portrait of my way of living a very special experience.
I felt the need to surround myself with two other portraits, each of them deriving from black and white photographs of painters, whose work and artistic approach had a great impact in my own artistic development. More than a visual, pictorial impact, it is rather a kindred spirit.

Pierre Bonnard 

Besides exemplary evolution and remarkable work, his way of elaborating pictures shows a great honnesty, authenticity up to worry, as the preparatory work and the care given to the observation of every detail take great importance and place in his schedule.
In addition, Bonnard was a researcher. In team first, among the Nabis, he made this observation to Ingrid Rydbeck during a meeting at his house in Deauville in 1937:
"You see, when my friends and I wanted to pursue our impressionist researches and tried to develop them, we strived to exceed their naturalistic color printing. Art is not nature. We were more severe for composition. Color was a mean of expression of which we wanted to obtain more. But the evolution was faster than us. Society welcomed cubism and surrealism before we reached what we considered to be our goal…  In a certain way, we found ourselves as if suspended in space... "
So he pursued alone, almost as an hermit, his quest for the truth. Yet, he stood informed of the evolution of his friends and of the art, in general, in Paris.

Roger Chomeaux alias "Chomo"

Gifted student and laureate of several awards during his training as a sculptor, at the National School of Fine Arts in Paris, he came to reject the entire art world of his time. Although an exhibition of his work encountered a huge success in 1960, a severe argument degenerating into a scandal caused his entrenchment in a forest he had inherited with his wife and children. There he founded and built with his own hands the Village Art Préludien. He raised many buildings, while sculpting, painting, writing, composing music and even producing a dozen hours of films.
Here are some of his sentences about art:

Speed ​​is an insult to the creator 
Time does not exist in the mind 
Once exceeded the border of suffering remains blessedness 
Daring to go to the extremities of one’s soul. The real artist is a medium available to all sensibilities 
Art is not made to be sold 
I am rich in poverty, they are poor in wealth 
What imprint will you leave on earth for thy God be pleased ? 
etc… 

Pierre Bonnard and Chomo are for me reflections companions through their communications who show a slow process of maturation and artistic development.
And if they sold Bonnard’ works at prices he considered too high, he would describe it as "not suitable" and directly sell his paintings for derisory sums, to the great displeasure of his usual merchants.

Bonnard and Chomo: two opposite characters, but a shared sense of concern for artistic authenticity and asceticism practice. I could join JMW Turner, who also knew his share about artistic research and asceticism,  to this team (he used his vast fortune to free its subsequent diffusion of art). He also was a practitioner of authenticity in the expression of a certain sublimity.
I made, years ago, a portrait of him, whose model was, unfortunately, his death mask, the only reliable representation of his adult face. Somehow, I refuse cadaver representation as a the symbol of an interlocutor. Moreover, all the spiritual, mental representations of him that I collected through his paintings, writings and the numerous monographs that I have read, widely suffice to my happiness.
I also  recommend the Tate Gallery site which offers digitized reproductions of all the works it houses under its roof.

So much for this article.
I hope to quickly resume with my own pictorial quest. Which I will relate of course in this pages, without failing to mention the few painters that my path leads me to meet sometimes.
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