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lundi 13 mars 2017

Rayons ou rayonnement ?

L'être ou le principe. Synonymes ?
C'est parfois une difficulté pour moi de bien discerner ce que, vraiment, je veux peindre. Il s'agit d'un véritable processus de conscientisation.
Je rappelle rapidement que la peinture elle-même peut, par la dynamique des touches par exemple, restituer l'idée de vie (cf les articles précédents #chaos). La composition et l'usage de contrastes en sont d'autres.

Mais cela suffit-il ? 
Invitation lisière - borde - edge n° 20  
[ Tempera  sur Arches 56 x 76 cm ]
(Version n°1)
Beaucoup de peintres ont pour sujet la peinture elle-même. Ils utilisent donc, éventuellement, les modes d'expression que je viens d'énoncer. Le motif sert de prétexte, dont la peinture «abstraite» se passe d'ailleurs très bien !
D'autres peintres désirent s'exprimer sur un sujet. Ils sont motivés soit par le motif au sens pittoresque du terme, ou alors par ce que sous-tend le motif; les Surréalistes, les Symbolistes en font partie. Certains, comme les Nabis, ont décidé de mettre de l'art partout, à titre décoratif. La peinture, à l'opposé, peut aussi être vectrice d'un message politique ou religieux.

Peut-on aller au delà ? 
Invitation lisière - borde - edge n° 20  
[ Tempera  sur Arches 56 x 76 cm ]
(Version n°2)
Les Romantiques sont parvenus à exprimer le concept du sublime, qui est le respect, la crainte que l'humain peut ressentir face à l'immensité et le pouvoir des éléments de la Nature, qui se trouve alors quasi déifiée. L'art pictural touche alors l'humain, mais dans une dimension toute spéciale de son être. La matière est aux portes de la métaphysique (la musique y parvient également, peut-être mieux).
Cette lisière est celle-la-même que je tente d'exprimer par le biais de la peinture. Cela réclame, j'en suis sûr maintenant, une attitude dépourvue de bavardages. Il me faut proposer l'essentiel et non distraire le spectateur. Celui-ci devrait se trouver placé là où la matière effleure le diaphane, où le «réel» prend une signification grâce à l'intuition (nous ne sommes pas dans le symbole qui est de l'ordre du savoir, de la culture). Comment puis-je vérifier que mon but est atteint ? Je ne sais pas si j'y parviendrai un jour. Chaque spectateur peut avoir une sensibilité et une réponse personnelle. C'est peut-être la limite à laquelle la peinture se heurte, comme toute tentative de communication.
L'expression du peintre est entièrement soumis aux aléas de l'espace, du temps et des personnes qui observent ; le malentendu est fréquent ; loin d'être stérile, il porte en lui les germes d'une multitude de sens et d'émotions.
Mais la peinture est-elle une communication ?
Je précise : la peinture est-elle communicante ? Je ne donnerai comme élément de réponse que cet exemple : Goethe a fait peindre les parois des diverses pièces de sa demeure; Pour chacune il utilisa une couleur différente en fonction des atmosphères, des ambiances qu'elle favorisait. C'est bien de peinture en bâtiment que nous parlons.
C'est une leçon d'humilité que je ne veux pas oublier.
Merci pour votre attention.

And now, the translation by Christina 

__ Rays or radiation __

Being or principle. Synonyms?
It is sometimes a difficulty for me to discern what I really want to paint. It is a real process of awareness.
I recall briefly that the painting itself can, by the dynamics of the keys for example, restore the idea of ​​life (cf the previous articles #chaos). The composition and the use of contrasts are others ways.
But is that enough?
Many painters have for subject the painting itself. They therefore use, possibly, the modes of expression that I have just stated. The subject serving as a pretext, which "abstract" painting does not need at all !
Other painters wish to express themselves on a subject. They are motivated either by the motive in the picturesque sense of the term, or by what the motif underlies; The Surrealists, the Symbolists are part of it. Some, like the Nabis, decided to put art everywhere, for decorative purposes. Painting, on the other hand, can also be a vehicle for a political or religious message. [see image n° 1]

Can we go beyond that?
The Romantics have succeeded in expressing the concept of the sublime, which is the respect, the fear that the human can feel in the immensity and the power of the elements of Nature, which is then quasi-deified. Pictorial art then touches the human, but in a very special dimension of its being. Matter is at the gates of metaphysics (music also succeeds at it, perhaps better).  [see image n° 2]
This edge is the very one I try to express through painting. This, I am sure now, demands an attitude devoid of gossip. I must propose the essential and not distract the viewer. The latter should be placed where the matter touches the diaphanous, where the "real" takes on meaning through intuition (we are not in the symbol that is of the order of knowledge, of culture). How can I verify that my goal is met? I do not know if I will succeed one day. Each viewer can have a sensitivity and a personal response. This is perhaps the limit to which painting comes up, like any attempt of communication. [see image n° 3]
But is painting a communication? 
Is the painting communicative? I will give as an element of answer only this example: Goethe had the walls of the various rooms of his dwelling painted; For each one he used a different color according to the atmospheres, ambiances or dynamics that the color favored. Yes, we are talking about house painting.
It is a lesson of humility that I do not want to forget.
Thank you for your attention.

dimanche 29 novembre 2015

Simple et libre

La seule vraie difficulté en peinture est d’être simplement libre et librement simple.
Miroir  tempera sur papier 32x20cm
Ce n’est pas un jeu de mots.
 Je veux juste dire que parmi le fouillis indescriptible de tous les conditionnements que j’ai acquis au long de mon existence, trouver un chemin de liberté est une vraie difficulté. Ma liberté est difficile à définir.
 D’autre part, faire vœu de simplicité est une bien belle direction à prendre pour cheminer. Mais si, d’aventure, je ressens un besoin de faire de la dentelle, pourquoi devrais-je m’en priver ?
 L’expression artistique demeure pour moi une tentative d’expression, de communication et d’esthétique. Cela implique de pouvoir évoluer dans un contexte libre, peut-être simple, en tous les cas et surtout serein.
 C’est ainsi que pour pouvoir faire le point sur mes outils d’expression, l’autoportrait demeure pour moi le véritable exercice d’authenticité :
  • modèle toujours disponible
  • modèle indifférent à toute considération narcissique
  • peintre libre de prendre son temps et de jouer avec son tableau.

kiss  [Keep It Simple & Short]

​Pour nos amis anglophones, une libre et simple et excellente traduction de Christina.
For our English speaking friends, a free, easy and excellent translation from Christina.
Au commencement ...

English résumé

The only real difficulty in painting is to just be simply free and freely simple.
This is no wordplay.
 I just want to say that among the indescribable jumble of all the conditioning that I have acquired throughout my existence, finding a free path is a real problem. My freedom is difficult to define.
 On the other hand, making vow of simplicity is a beautiful way of wandering. But if, by chance, I feel a need to privilege subtlety, why should I do without it?
 Artistic exteriorisation remains for me an attempt of expression, communication and aesthetics demonstration. This implies to evolve in a free context, perhaps simple, in any cases and above all serene.
 Thus, in order to be able to update my means of expression, self-portrait remains for me the true exercise of authenticity:
  • The model (me) is always available
  • This particular model (me) remains free from any narcissistic consideration
  • The artist (me) is welcome to take his time and play with his own production.
kiss [Keep It Simple & Short]

samedi 14 novembre 2015

Peindre ou faire la guerre

Prologue – Peindre ou faire la guerre

« miroir 02 »
tempera à l'oeuf sur papier
egg tempera on paper
31x20.5cm
J’allais publier mon article lorsque j’apprends, qu’à nouveau, des états armés se font la guerre par victime civiles interposées. Les marchands d’armes et autres profiteurs de conflits commencent à y croire, leurs beaux jours se dessinent de plus en plus précisément à l’horizon.
Je suis pris d’une insidieuse contagion celle de la violence. La tentation de la violence. C’est ma nature -humaine-.
Heureusement, mon système immunitaire mental réagit à merveille et, peu à peu, je retrouve mon esprit constructif -humain lui aussi- qui me permettra d’agir à ma façon. Ceci même si mon attitude paraît dérisoire en comparaison de ce que vivent les victimes de toute horreur.
(suite de cette réflexion en fin d’article)

Voici donc.

Peindre-dessiner : l'état d’esprit en actes

    peindre – dessiner
    montrer – dire
    teindre – délimiter
    tacher – ligner
    poser un accord – tracer une mélodie
Les attitudes suivantes sont nécessaires aux deux spécialités :
Contempler – analyser – reproduire sa « petite » (Cézanne) sensation.
Peindre serait une attitude plutôt démonstrative, alors que dessiner serait une attitude plus discursive, plus intellectuelle. Tout ceci me semble très réducteur.
Chercher à peindre–dessiner revient pour moi à vouloir utiliser l’ensemble des potentiels du cerveau au service d’une expression artistique visuelle graphique. Simplement.
projet -esquisse
L’outil n’est pas le pinceau ni le crayon, mais bien l’intention, la lumière, la couleur et l’acte de les poser sur la surface picturale. C’est donc bel et bien la touche, les intentions qui la motivent et l’énergie qui l’anime qui font l’œuvre d’art. La touche qui se fait incisive ou caressante, précise et fine, ou large voix fondue, discursive ou passive, allusive ou rêveuse…
(En ce sens, l’art japonais du sumi-e est une forme de dessin–peinture)
On a souvent dit que le dessin permet d’entrer dans l’intimité du peintre. Admettons, mais alors que dire de la peinture de Bonnard, qui d’ailleurs reposait fermement sur ses nombreux dessins préparatoires. Que dire aussi des bozzetti et modelli de Rubens (ses diverses esquisses à l’huile) ?
De plus, l’artiste ne suffit pas à la production artistique. Je veux dire qu’il n’y a pas que le « faiseur » (poète, en grec). De l’autre côté de l’œuvre se trouve le récepteur. Spectateur (quelquefois propriétaire) outillé de sa sensibilité, de son regard, de son état d’esprit forgé par tout ce qui a fait qu’il est présent devant une image qui va réellement influencer son existence, positivement ou non. Sa vision lui appartient en propre. Sa part artistique est aussi importante que celle du poète visuel.
ébauche couleur
D’aucun diraient que ce sont les critiques, les mécènes et le marché qui font l’art, mais ce n’est vrai que depuis Masaccio et la Renaissance. Ils ne font d’ailleurs pas l’art, mais la renommée et l’oubli des “artistes”… qui se portaient probablement mieux lorsqu’ils étaient artisans, itinérants ou établis.

Epilogue – Rendre son esprit disponible à la beauté plutôt qu’à l’horreur.

Notre culture de masse – cinéma, télévision, etc. – nous abreuve de situations où une logique concurrentielle, agressive, violente est la norme. Les personnages se débattent dans un monde et une société d’humains au mieux indifférents, au pire hostiles.
De ce fait, le cerveau des spectateurs devient de plus en plus capable d’accueillir une telle réalité et, sans même la provoquer, peut la considérer le cas échéant comme « normale ». En effet, il se passe au niveau du fonctionnement cérébral la même chose qu’avec les phénomènes publicitaires. Nous n’avons pas besoin d’un produit, encore moins d’une marque. Mais le jour où la question se posera, on se dirigera automatiquement vers les produits et les marques déjà vues ou entendues, car elle sont tout bonnement familières à nos circuits neuronaux et leur évitent ainsi une analyse coûteuse en énergie.

fin ébauche couleur
Je suis un humain, faiseur d’images. Mon cerveau d’humain a besoin d’explications, de causes, d’effets. Comprendre. Je n’ai aucune théorie pour permettre à mon cerveau… perfectible, de comprendre vraiment tout cela. Je crois qu’un principe vital universel est à l’œuvre, au sens large. Mon expérience me montre que je ne vais bien qu’en état d’harmonie, qui elle-même se nourrit de ce que l’on nomme au sens large l’amour, la bonté ou parfois, la beauté. Voilà pourquoi je veux continuer à tout prix à proposer des images dont le contenu – au minimum esthétique – prédispose à les accueillir : la voie de la beauté.

Ce faisant, je ne suis pas un grand innovateur. Lors des deux dernières guerres mondiales (je veux dire la 1 et la 2) Bonnard n’agissait pas autrement, par exemple. Avant cela, Rubens a choisi de magnifier l’humain en général, ses épouses successives et ses enfants en particulier, ce qui lui permettait de croire mieux que de survivre, dans un siècle où les horreurs et la peste n’épargnaient ni sa contrée, ni sa famille. Il œuvrait aussi en tant que diplomate – son statut le lui imposait – mais il ne s’engageait qu’en faveur de la paix. Les exemples de peintres résolument positifs, parfois activistes, ont été nombreux dans l’histoire de l’art. C’est tant mieux.
corps de peinture

J’en ai assez dit. Je ne sais pas ce qu’il en est pour vous, mais pour ma part, je suis convaincu.
Allez… Salut les artistes !

Et bonjour les artistes anglophones. Traduction par Christina :

English Résumé


Prologue – To paint or make war

I was going to publish my article when I heard that, again, armed states make war by interposed civilian victims. Arm dealers and other war profiteers act as if they believe that their heydays emerge more and more precisely on the horizon.
I briefly suffered from an insidious contagion… that of violence. The temptation of violence. This is my nature – human –.
Fortunately, my immune system reacted well and, step by step, I found again my – human too – constructive mind that will allow me to act my way. This, even if my attitude seems pales in comparison to the experiences of victims of any horror. (This discussion will continue at the end of this article).

So here's.
reprise des clartés

Paint – draw: the state of mind in action

    paint – draw
    show – say
    dye – delineate
    stain – Line
    ask an agreement – draw a melody
The following attitudes are necessary to both specialties :
Contemplate - analyze - reproduce the "small" (Cézanne) sensation.
To paint is an attitude rather demonstrative, while to draw is an attitude more discursive, more intellectual. All this seems very reducer.
Seeking to paint or draw means to me using all the potential of the brain in the service of a graphic visual artistic expression. Simply.
The tool is not the paintbrush or the pencil, but the motive, the light, the color and the act of placing them on the pictorial surface. It is indeed the touch, the underlying intentions and the driven energy which form the work of art. The touch that is caressing or incisive, precise and fine, or ample melted voice, discursive or passive, allusive or dreamy…
seconde reprise couleur
(In this sense, the Japanese art of sumi-e is a form of drawing and painting)
It was often said that the drawing allows you to enter into the intimacy of the painter. I recognize that, but then what about the paintings by Bonnard, who are also firmly based on his numerous preparatory drawings. And then, what is to say about the bozzetti and modelli of Rubens (his various oil sketches)?
Most of all, the artist does not suffice to the artistic production. I mean there is not only the "doer" (poet, in Greek). On the other side of the artpiece is the receiver. Onlooker (sometimes owner) equipped with his sensitivity, his vision, his state of spirit wrought by everything that has brought him before an image that will really influence his existence, positively or not. His vision belongs to him. His artistic hand is as important as that of the visual poet.
Some would say that it is the critics, sponsor and the art market that « make » art, but this is true only since Masaccio and the Renaissance. In fact, they dont « do » the art but only the fame or the oblivion of “artists”… which were probably better of when they were only artisans, itinerant or established.
travail achevé
«
 miroir 02 »
tempera à l'oeuf sur papier
egg tempera on paper
31x20.5cm

Epilogue – To make one’s mind available to beauty rather than horror.

Our mass culture – movies, TV, etc. – inundates us with situations where a logic of competition, aggressiveness and violence is the norm. The characters struggle into a world and a human society at best indifferent, at worst hostile.
Therefore, the brain of the spectator becomes more and more able to accept such norms and, even without inducing them, may consider them as "normal". Indeed, it happens at the level of brain function the same things as with the advertising phenomenon. We do not need a product, m
uch less a brand. But when the question will arise, it will automatically direct us towards the products and brands already seen or heard of, as they are simply familiar to our neuronal circuits and prevent them from an expensive loss of analysis energy.

vérification des valeurs
verification of values
I am a human, images maker. My human brain needs explanations, causes, effects. Understanding. I have no theory to allow my brain… perfectible, to really understand it all. I believe that a universal vital principle is at work, at large. My experience shows me that I feel well only in a state of harmony, which feeds itself with what is called, in the broad sense, love, kindness or sometimes beauty. That's why I want to continue, at any cost, to provide images whose content – at least aesthetically – predisposes to welcome : the way of beauty.

In doing so, I am not a great innovator. During the two world wars (I mean the 1 and 2) Bonnard did not act otherwise, for example. Before that, Rubens has chosen to magnify the human in general, his wives and children in particular, which allowed him to think better than to survive in an age when the horrors and plague spared neither his country nor his family. He also was working as a diplomat – his status obliged him to – but he only pledged in favor of peace.
Examples of painters resolutely positive, sometimes activists, have been multiple in the history of art. So much the better.

I've said enough. I don’t know how it is for you, but as far as I am concerned, I am convinced.
Come on… hello artists !

vendredi 26 juin 2015

Autoportrait intérieur - l'autobiographie dans l'art

Un exercice pratiqué souvent par les peintres est l'autoportrait. Facile à plus d'un titre - le modèle est toujours disponible pendant la durée de la session et n'éprouve aucune susceptibilité au vu du résultat - il permet, en plus d'une introspection personnelle, de faire le bilan pratique de son art, voire d'en explorer des facettes inconnues.  Nous avons déjà parlé de tout ceci lors d'un article précédent.

Ce dont je veux parler aujourd'hui est une forme toute particulière d'autoportrait : les images qui parlent expressément d'un événement particulier de la vie du peintre. Ainsi Monet a-t-il réagi au décès de son épouse en la peignant telle que sur son lit mortuaire. On connaît Munch pour ses évocations très expressives des angoisses et désirs liés à une relation impossible avec une personne convoitée. Plus joyeusement, les maternités de Renoir montrant son épouse Aline et ses enfants au fur et à mesure de leurs croissances. Bonnard était le spécialiste de la peinture intimiste ; même ses paysages faisaient montre d'une vision très intériorisée. 
Je ne donnerai pas l'exemple de Van Gogh, car même si ses premiers travaux dans le Borinage (par exemple : Les mangeurs de pommes-de-terre) étaient très ancrés dans sa vie présente, les analyses de ses futurs travaux tenaient plus de la psychanalyse - grande spécialité des critiques d'art, comme chacun sait - que d'une véritable approche picturale de son oeuvre.


Or, ce n'est pas de psychanalyse que je veux rendre compte aujourd'hui. J'ai concentré mon énergie de la semaine à l'évocation d'une très récente mésaventure que j'ai vécue il y a dix jours. Pour des raisons qu'il est inutile d'évoquer maintenant, je me suis retrouvé en privation d'un médicament très puissant contre la douleur (opiacée). Une véritable crise de manque telle que la vivent bien trop souvent les personnes en proie à diverses toxicomanies. Il est impossible de décrire précisément les souffrances inhérentes à cet état. La douleur et la détresse sont présentes dans chaque cellule du corps.  On appelle la mort à la rescousse. L'oubli. Le néant.


Après quelques jours, tout en les étayant par une documentation glanée sur le web, je me suis mis à la recherche d'images mentales qui pourraient m'aider à extérioriser ce ressenti dont je voulais me débarrasser, tout en le transcendant. Car je dois affirmer ici que cette expérience m'a amené ensuite à revoir la vie et le monde avec les yeux d'un rescapé, d'un survivant en état de totale gratitude, de grand émerveillement.
Fort de tous ces éléments, je me suis mis à voir des bébés, foetus mort-nés, pour des raisons qu'il ne m'appartient pas de juger. Que peut ressentir un être en devenir que l'on vient chercher à renfort de scalpel et de tuyau aspirant ?
De quel manque est-il la victime  ?  Il n'a eu ni le choix de vivre, ni celui de mourir.
Inéluctable. Inévitable. Cruel. Ces trois mots me revenaient en mémoire, liés à mon expérience de la souffrance.


Je vais m'arrêter là, afin de laisser les images porter ce que je tenais à partager, à communiquer. Pour cette fois, je livre des travaux de premier jet, dont l'esthétique n'est pas travaillée, et donc non repris à la peinture, préférant l'expression brute (peut-être même brutale), dessinée comme peinte avec des blocs de graphite, de fusain de vigne et de fusain ocré.


Les quatre visages sont de format A4 ou inférieur. La descente a pour dimensions 80x60cm.
Avant l'exposition de ce travail, je voudrais encore témoigner du soutien et de l'amour que mon épouse Christina a manifesté à mon égard, tant pendant la crise elle-même, que lorsque j'ai choisi de la mettre en image de la manière la plus authentique qui soit. Lui rendrai-je assez hommage au travers de mes peintures...
[Please, see the english traduction of this topic after the pictures ]




Descente


English traduction by Christina

Inside Self Portrait - autobiography in art

An exercise often practiced by painters is the self-portrait. Easy for several reasons - the model is always available for the lenght of the session and feels no susceptibility given the outcome - it allows, in addition with a personal introspection, to focus on the practical results of one's art, or to explore unknown facets. We have already discussed all this in a previous article.


What I want to talk about today, is a very special form of self-portrait: the images that speak specifically of a particular event in the life of the painter. Thus, Monet reacts to the death of his wife by painting her on her deathbed. Munch is known for his expressive anxieties evocations as well as for his desires related to an impossible relationship with a coveted love. More happily, Renoir's maternity show his wife Aline and their children as they grow. Bonnard was the specialist of intimate painting; even his landscapes showed a very internalized vision.


I shall not give the example of Van Gogh because, although his early work in the Borinage (see The Potatoes Eater) was  very rooted in his present life, analysis of his future work related more to psychoanalysis - great specialty of art critics, as everyone knows - than to true pictorial approach.
Yet it is not psychoanalysis that I want to develop today. I focused my week's energy on the evocation of a very recent misadventure that I experienced ten days ago. For reasons which need not be mentioned now, I found myself deprived of a very potent pain reliever drug (opioid). A real withdrawal symptom as too often suffered by people subject to various addictions.


It is impossible to accurately describe the calavary endured in this state. Pain and distress are present in every cell of the body. One is calling death to the rescue. Forgetfulness. Nothingness. After a few days, self supporting them with images found on the web, I started to search representations that could help me to externalize this feeling I wanted to get rid of as well as trensend. However, I must state here that this experience brought me to open my eyes to the life and the world with the look of a survivor. A survivor in a state of total gratitude and wonderment.


Considering all above elements, I began to see babies, stillborn foetus, for reasons that are not mine to judge. What can a potential being resent when beeing tortured by a scalpel, sucked through a hose ? Of wich lack is he the victim? He has neither the choice to live, nor die.
Ineluctable. Inevitable. Cruel. Those three words wandered through my memory, related to my experience of suffering.


I'll stop there, to let the picture communicate what I want to share. For this time I shall deliver a first draft work. Whose aesthetic is not worked and therefore does not include painting, I did prefer the raw (rough ?) expression, (possibly brutale), designed as if painted with graphite block, charcoal vine and ocher charcoal.


The four faces are of A4 dimensions or smaller. The descent of 80x60cm dimensions.


Before the exposure of this work, I wish to testify about the support and love that my wife Christina has expressed to me, as well during the crisis itself than when I chose it to be imaged in the most authentic way ever. I shall give her tribute through my paintings ...

mercredi 17 juin 2015

lumière et Lumière

«Je suis émergé dans la lumière du Jour» W. Blake

Pour cet article, je me contente de réflexions. Juste quelques phrases sur la lumière et son expression.

La science montre les faits, les démontre. Jamais elle n'en donne la signification. Elle ne doit pas le faire. C'est le rôle de la religion -par la foi - et de la philosophie -par la raison -.

La tierce voie est celle de la poésie.  Langage universel, elle peut s'utiliser aussi bien en science que dans les domaines spirituels.  Sans nommer le but, elle peut suggérer un chemin qui peut y amener. On atteint alors parfois ce que l'humain croit être la "Vérité". 
La science nous donne la lumière. 
La Poésie nous donne la Lumière.
La peinture parfois est poétique, parfois démonstrative. Certains peintres utilisent des brumes, parfois abstraites. Il s'agit bien souvent d'un art de musée qui retranscrit, cite ou imite les impressions de lumière matérialisée de Turner (lui les a perçu et les a montré), sans toutefois les rattacher à la Vie. Elles sont jolies, mais un peu creuses. 
Le tableau ci-dessous, serait plutôt une sorte de topographie de la lumière et de la Lumière, montrant aussi quelques éceuils où les Titanic de la pensée pourraient bien s'abîmer.
J'aurai certes pu en épaissir la lumière. Je n'aurais fait alors qu'une (mauvaise) imitation de Turner. Il y en a bien assez sur le web :o)
Etude au fusain et tempera, 63x88cm
La poésie est un art difficile, en peinture aussi. Bien souvent elle laisse à son auteur un sentiment d'insatisfaction. Malgré tout il publie ses oeuvres. Il n'a qu'elles.

Le prochain article montrera l'évolution d'une étude au fusain de deux arbres jusqu'à la peinture ci-dessus.
A bientôt


English résumé

« I am merged in  the DayLight » W. Blake

There is the light. There is the Light. The first one is physical. The Light is what shows us a way to what we believe to be the "Truth".

Turner was one of the first poet of Light. We see among the Web a lot of imitations of his works, even trough abstract paintings. (I think it's a museum art, often not fed with "real life"). We also find a lot of hyper-realistic paintings. Every artist has his own poetic way and publishes it. The works, as unsatisfying they may be for him, are the only things he has.

This article is quite philosophical. The next one will show how a charcoal study of trees happens to be the tempera painting you can see in this one.
See you soon

lundi 18 mai 2015

Le masque ou le voile

Les yeux sans visage (1960) gouache, pastel, tempera

Objectif

Désireux de passer un temps de recherche purement formelle, j'ai travaillé plusieurs petits formats dont le prétexte était une réflexion sur le masque et le voile.
Ces petites études ont pour modèles des images extraites de films en noir et blanc. En tant que telles, elles ne peuvent que servir d'études, rien d'autre, puisque je ne possède pas les droits de reproduction.
D'ailleurs les reproductions que vous voyez sur cette page sont totalement impropres à l'impression numérique.
Sur un plan purement technique, elles sont essentiellement libres, mêlant la tempera, la gouache et le pastel, voire le fusain.
Trois d'entre elles ont parfois complètement été recouvertes d'un voile de peinture, ceci afin d'en couvrir les trop nombreux détails ou la trop grande netteté.
Pourquoi est-ce important ?


Illusions de détails

Vampyr (1932) gouache, pastel
L'une des plus intéressantes tâches de l'artiste est de déterminer ce qu'il doit nommer, suggérer et laisser aux propres projections de son interlocuteur. 
Ne pas assez dire revient à se taire, mentir par omission, induire en erreur ou conduire à l'indifférence.
Trop en dire devient attitude bavarde, pédante peut-être, voire même tourner à l'obscénité. L'interlocuteur ne peut que subir le flot d'informations, ad nauseam, sans aucun espace pour sa propre sensibilité ou/et intelligence. Son esprit est au mieux saturé, envahi dans les pires occurrences.
L'artiste désireux - en plus de s'exprimer ou de «s'approprier» son sujet - de communiquer ses perceptions en une vision, peut s'offrir la mission d'éveiller l'esprit de son interlocuteur, de partager son pain avec celui qui devient de facto son compagnon. 


Couche après couche

Vampyr (1932)  gouache, pastel, tempera
L'une de mes principales difficultés, lorsque je peins ou dessine, et de trop dessiner, préciser, dans les couches dévolues à la structuration de la composition et à la «mise en énergie» de la surface, étape fondamentale sur laquelle repose l'essentiel de la communication spirituelle.
Or, si ces couches où se manifeste la compréhension au sens le plus large sont amputées ou étouffées dans l'oeuf par des éléments chargés de définir, des lexiques, la crainte de recouvrir ou d'enfouir ces derniers par la mise en place de couches additionnelles rend anxieux . 
C'est tout le processus qui se trouve inhibé.
Je dois donc faire intervenir les "détails" le plus tard possible, ne pas trop dessiner dès le début, mais bien ébaucher. C'est simplement indispensable à l'évolution complète et harmonieuse de tout mon processus créatif et communicatif. Sinon, l'oeuvre se trouve amputée, invalidée.
Convict 13 (1920)  gouache, tempera, pastel
Pourquoi, en effet, écrire une danse ou un chant sans musique ?
Le mieux pour y parvenir, sachant que j'ai une vision très aiguë et détaillée, est de centrer cette vision sur chaque aspect, d'abord l'esprit, puis l'énergie (les deux sont proches), les structures lumineuses, les textures (les deux sont proches), les couleurs locales si nécessaires, les détails lexicaux enfin, dans la mesure où ces précisions sont utiles.
Je me rends parfaitement compte, en faisant cette liste, que détailler dès les premières interventions ne peut qu'être un handicap, SAUF à stopper le processus, le simplifiant alors à l'extrême. Les critiques parlent alors d'économie de moyens. C'est parfois pertinent, parfois un peu... court.
Il est vrai, cependant, que peu de gens acceptent ou supportent de s'arrêter plus de 10 secondes à contempler une image. C'est donc le risque de prêcher dans le désert qui est pris par le peintre exhaustif. Jeter des perles aux cochons, entend-on parfois.


Le modèle est-il essentiel ?

On peut distinguer le modèle, qu'il faudrait reproduire, de celui qui sert de source d'inspiration.
L'impulsion qui me pousse en tant que peintre à agir peut-être de deux ordres :

  • Emotion visuelle qui marque mon affect au point que j'ai envie de la partager 
  • Emotion spirituelle que je désire partager par le biais d'une image

En général, il m'est souvent difficile de dire laquelle des deux vient avant l'autre, car presque toujours elles sont intimement liées dans mes intuitions poétiques, artistiques.
Presque toujours je vis ma peinture comme une oraison, une sorte de prière très intime.
Je dirais donc que le modèle m'est essentiel, au moins jusqu'au moment où je décide de prendre le pinceau.
Ensuite, il arrive qu'une trop grande fidélité au modèle nuise à mon expression, dans la mesure où l'intuition que je désire peindre et partager est parfois très ténue, très subtile. C'est alors que l'image doit progresser en un dialogue entre elle et moi, le modèle étant prié de demeurer discret, au moins pour un temps.
Il peut même arriver que je doive sciemment occulter ou oblitérer une partie de l'image, pour que puisse éclore le véritable sujet. Nous en avons déjà parlé ci-dessus, je n'insiste donc pas plus.
Reste que si le sujet est un portrait, la représentation d'une personne à part entière dont je désire reproduire l'essence telle que je la perçois sur la surface picturale, alors oui, dans ce cas, le modèle doit primer jusqu'à la touche finale de l'exécution du tableau. Le dialogue s'institue entre le modèle et sa représentation, par le regard et les gestes du peintre.
City Lights (1932) fusain, tempera, pastel

English résumé


What is a mask, what is a veil, are they lying, or telling a truth for you to discover. As a painter, I prefer a poetic truth which gives the happiness to the viewer to discover one's own truth.
So it's my responsibility to use every proper technique to veil the subject and give it the stature of a real subject.

jeudi 29 mai 2014

Promesse de quel esprit ?

Aujourd’hui je me borne à nouveau à poser quelques réflexions. L’image que je viens de terminer, Promesse, a été peint selon le même processus que Femina. Inutile donc de me répéter.   Ce que je veux faire aujourd’hui dans ce blog, c’est poser calmement quelques pensées sur l’auto-censure.

J’ai puisé à la fois dans ma culture religieuse et dans ma vie quotidienne (hommage rendu à mon épouse) le fondement de Promesse :

«  ...un pays où coule le lait et le miel...»  (Extrait du livre de l'Exode, dans la Bible)

Or voici que cette image reflétant à la fois un aspect de ma spiritualité et de l’amour que je porte à mon épouse et à sa féminité, cette image je ne puis la montrer sans courir quelques risques.
Il y a en effet peu de chance que je puisse la partager su Facebook sans me faire bannir. 
La communauté artistique avec laquelle j’ai l’habitude de communiquer n’a encore jamais abordé le genre du “nu” ; je ne pense pas vouloir être le pionnier parmi eux, car je pense sincèrement que je pourrai choquer quelques personnes avec cette image.   Quant à G+, je pense que les risques sont moindres qu’avec Facebook.
J’ai pourtant essayé de diminuer autant que possible les caractéristiques sexy ou glamour de cette peinture. Malgré cela, je pense qu’il vaut mieux que je me borne à la publier que sur ce blog et dans mon site.  Voici donc cette Promesse  :


Promesse
Promesse

On peut constater que jusqu’ici je ne parle que d’auto-censure. En effet, personne n’exige de moi de faire ce choix (sauf peut-être les règlements de Facebook).   Pourtant, j’ai vraiment le sentiment de faire le ‘bon’ choix.   Mais je le vis comme une tension, au coeur d’une contradiction.

Internet -reflet de notre civilisation, est un des lieu où sont véhiculées les images les plus immondes, les plus violentes, les plus bassement pornographiques également.   Le sexe en particulier n’a jamais été montré ni vécu d’une manière aussi débridée depuis des siècles. La liberté sexuelle est une des révolutions(!) majeures de l’Occident.   Mais en même temps, il n’a jamais autant été criminalisé.   Un puritanisme de bon ton continue de faire paravent aux penchants les plus salaces et les plus pervers.

Je peux évidemment publier mon tableau sur des sites spécialisés ou déclarés “pour public averti”.

 Je ne le ferai pas.   Il sera visible ici.   Et c’est bien comme ça.   On le trouvera aussi sur Pinterest, site où les différents genres artistiques sont présents sans autre forme de procès.

English Résumé

In this article, I ask the question of the visibility of an image showing a "sexy" part of the human body, even if the purpose is to speak about spirituality («I shall give you a land where milk and honney are flowing»). I 've chosen to publish this image on my blog and my site (+Pinterest) but will avoid G+  community) and FaceBook because of "shocking-hazard" and possibility of banishment.

jeudi 24 avril 2014

Peindre consciemment

Un mois s'est écoulé depuis mon dernier article. Je n'ai pas peint non plus. Un court voyage à Florence (Italie) et un petit problème d'artère coronaire sont survenus dans mon parcours. Seul le voyage était prévu. Il aurait suffit à me faire revisiter ma façon d'envisager ma peinture. Mais le petit embarras cardiaque m'y pousse encore plus. Si déjà je m'étais résolu à choisir le thème de chaque image comme si elle devait être la dernière, je désire maintenant être sûr autant que ma conscience me le permet de traiter ce thème de la manière la plus authentique et la plus exigeante possible.
femina - étude pour un portrait

Mon prochain tableau sera un portrait, celui de mon épouse Christina. Au-delà de la ressemblance physique, au-delà des trois derniers tableaux que j'ai fait d'elle, c'est bien de ce qui émane d'elle dont je veux être le témoin reconnaissant.
Peindre un visage et la réalité de la personne à qui il appartient est une aventure peu banale. J'ai besoin de m'y préparer. Non seulement par une étude, mais aussi par le choix des moyens que je vais mettre en oeuvre.
Voici donc quelques réflexions à ce propos. Elles se résument à deux questions :
  1.  A quoi donc sert le peintre, fut-il moi-même (sans jeu de mots) ? 
  2. Quels sont ses moyens ( mes outils picturaux, les enseignements qui peuvent me soutenir) ?

1 - ici et maintenant

Balbutiement et Soupir N°13
Selon mon point de vue, l'oeuvre picturale consiste à rassembler l'ensemble de tout ce que le peintre (moi en l’occurrence)est capable d'offrir sur un thème.
Il peut en effet prendre tout le temps et l'espace nécessaire à représenter ce qu'il a senti de l'intuition, de la grâce.
A son tour, le spectateur recevra d'un seul jet cet ensemble, l'image, qu'il pourra selon son loisir et sa sensibilité et sa conscience parcourir pour l'absorber, le ressentir, s'en imprégner à son propre rythme.
«Ici et Maintenant» tient lieu de nos jours de formule sacrée. Formule d'adulte peut-être nostalgique de son enfance pour les uns, clef de la porte du Paradis ou du Grand Tout pour les autres. Chacun selon son état d'esprit. Reste que de formuler «ici et maintenant» fait recours à l'intellect, celui-là même qui court-circuite l'esprit par le désir de contrôle. Formuler est donc créer une illusion.
Ici et maintenant est une intensité HORS espace-temps.
C'est au coeur de ce paradoxe que sera plongé le spectateur de l'image faite par le peintre dont il est le transcripteur.

2 - contraste et harmonie

Voici un bref aperçu de ce qui sera développé dans les paragraphes suivants :

L'image picturale telle que je la conçois est faite d'une structure d'assemblage de traces et de surfaces.  Certaines offrent des contrastes lumineux ou/et colorés dont les lisières proposent des formes.  Ces lisières   sont le lieu du diaphane, là où le sens prend naissance, au coeur de notre mental. Hors les lisières, ou en elles sont les surfaces colorées qui qualifient le sens. toutes ensembles, harmonisent toute la surface, soutenues par la structure générale du tableau qui 
définit la dynamique de l'image, sa charpente, sa composition.

Ce petit manifeste peut paraître un peu ardu ou trop rapidement conclu. Voici donc quelques éléments de réflexion qui le sous-tendent.

3 - Développements

Exemple de lumière - Turner
a) Pour l'entendement humain, de l'opposition naît le sens ; ainsi en va-t-il des oppositions jour-nuit, chaud-froid, sombre-lumineux, néant-présence, etc.  Chaque élément de la paire est le complémentaire de l'autre ; ils peuvent soit exister grâce à l'absence de l'un deux, soit se trouver associés. On parle alors de contraste. Le contraste est donc issu de la juxtaposition des complémentaires.
Ce raisonnement est valable également dans le domaine du visible, de la luminosité et des couleurs. Les complémentaires sont donc tout indiquées pour construire un dessin ou pour définir une atmosphère très dynamique.
L'idée d'harmonie au contraire implique une notion de «sérénité» que la juxtaposition des complémentaires empêche, intrinsèquement. L'harmonie naît d'infimes variations tonales ou colorées, voire de mouvements sans heurts, coulant, des frissons d'aise.
Les contrastes donnent une accélération à la pensée, la mettent en mouvement, l'harmonie lui permet de continuer sur sa lancée.


b) L'attention ne peut se laisser attirer que par ce qui peut s'inclure dans son horizon sémiotique.  Autrement dit : "ce qui me parle, je l'écoute".
Exemple de lumière - La Tour
Par un jeu de contraste on attire donc l'attention du spectateur qui se laisse interpeller. En effet, les contrastes lumineux ou colorés font merveille (la lumière mouvante encore plus, mais ce n'est pas le propos du peintre).  Ils font office de signal et proposent le sens de l'image.
Se manifestent ensuite (parfois parallèlement) les sensations propres à la contemplation.  L'intellect se détend et une état d'esprit se met en place.   C'est l'harmonisation des formes, des couleurs et des valeurs lumineuses qui agissent.
Si le dessin et les contrastes définissent, les actes d'harmonisation réunissent, ouvrent vers l'infini.

c) On ne peut qualifier certaines couleurs de «complémentaires» que par le fait que notre cerveau les perçoit comme interchangeables.   Chacun a fait l'expérience de cette sorte de perception fantomatique : après avoir fixé longuement une couleur, si l'on fixe juste après une surface blanche, la couleur dite complémentaire apparaît, tout en conservant sa forme initiale.   A ce titre, le noir et le blanc sont également complémentaires, même si des personnes leur refusent le statut de couleur.
Contraste et harmonie - Duccio
Essayons d'admettre sans trop de démonstration la proposition suivante : en terme de perception lumineuse, notre cerveau réagit de manière similaire à un stimulus lumineux et à son complémentaire, mais peut lui attribuer un sens opposé en terme de sémiotique.   Voyez un visage vert ou bien rouge et c'est soit un cadavre soit un bon vivant que vous regardez.  Une pomme verte ou rouge sera immature ou mûre, etc.   Mais la tache verte ou rouge désignera toujours une personne ou une pomme, dans ces exemples.   Leur identité est conservée par la forme de la tache, son dessin.  Seules leurs qualités identifiables par la couleur locale seront signifiées différemment par le changement de couleur.


Verdaccio et meluzzina - Duccio
d) En fait, je pense que si le rapport verdaccio-meluzzina me séduit tant dans la peinture des visages et des icônes de Sienne, c'est par le rapport mortalité-vitalité qu'il exprime, même s'il se situe dans une sous-couche de la peinture.
De cette manière, et dans ce sens uniquement, je peux adopter en toute conscience cette «méthode traditionnelle» à chaque fois qu'elle s'inscrit et trouve écho dans mes propres sensations, que je veux exprimer mon propre état d'esprit  :o)

e)

Depuis de nombreuses années, j'associe dans mon esprit les oeuvres de Georges de la Tour et de Joseph Mallord William Turner.  Pourtant le caractère obscure de l'un semble s'opposer aux intenses lumières de l'autre.  En fait, chacun d'eux utilise l'un des complémentaires de luminosité pour signifier le mystère unifiant. De l'obscurité sort la lumière de La Tour alors que Turner élance sa lumière omniprésente vers de très hautes tonalités, d'où surgissent les sujets par contrastes et par couleurs se saturant. «The sun is God» serait la dernière phrase de Turner.

A ce duo, j'associe la compagnie d'un troisième peintre qui me tient énormément à coeur, Pierre Bonnard. Lui n'utilise aucun des contrastes créant le chiaroscuro des deux autres. Bien au contraire, il s'efforce de ne pas utiliser la couleur comme valeur tonale.  Là où Turner et La Tour utilisent le surgissement presque tri-dimensionnel et l'oblitération du contexte par l'obscurité ou la lumière transcendantes, Bonnard cherche le recours absolu de la surface unifiante et formant comme un tout cosmique et universel.
Turner et La Tour utilisent le surgissement par le contraste pour évoquer une présence métaphysique, "religieuse", alors que Bonnard la manifeste par une absence la plus complète de contraste, induisant ainsi l'idée d'un Tout unifiant, universel.
Exemple de lumière - Bonnard
Turner de toute évidence, mais aussi La Tour, agit dans la logique d'un graveur (très prosaïquement, la vente des gravures basées sur ses carnets de voyages étaient extrêmement lucratives). Bonnard, lui, agit en lithographe (à l'instar de Toulouse-Lautrec qui ornait lui aussi les rues de Paris de ses affiches).
Mais ce n'est pas tout. Si je suis attaché à chacun de ces peintres c'est qu'il y a en chacun d'eux quelques aspects qui me correspondent très intimement. Une constante recherche d'expression, un grand sens de la liberté par rapport à la critique et à la mode du moment, l'ouverture chez Turner, l'intime chez Bonnard et La Tour, mais aussi une très grande proximité avec la Nature, fut-elle humaine, et ce qu'elle exprime de puissant et de fragile, de permanent et d'éphémère, de proche et d'infini. Tout ceci me procurant une attitude très active et contemplative, un état d'esprit très religieux au sens le plus large du terme.

English Résumé

The pictorial image as I see it is made of an assembly of traces and surface structures. Some have bright and/or colored  contrasts the edges of which offer forms. These edges are the location of the diaphanous, where the meaning is born in the heart of our mind. Outside or inside the edges are colored surfaces that describe the meaning. They do all together harmonize the entire surface, supported by the general structure of the picture which defines the dynamics of the image, its skeleton, its composition.