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mardi 13 octobre 2015

double-portrait

Deux portraits.

montage de deux portraits

La même personne. 
Eclairage naturel, cheveux libres ; éclairage électrique, cheveux noués.
Chevelure vivante ; masse sombre.
Traitement affiné ; touches chaotiques.
Le résultat final doit être vivant, que l'on regarde les visages représentés, les visages montrés, l'image présente (la peinture).







Si la structure est dynamique, on peut se permettre un traitement mesuré ; si la peinture est vibrante, la sensation de vie devient agitation.




















Si la structure est stable, on peut se permettre des touches plus libres - même chaotiques, sous peine de figer la vision, d'éteindre l'étincelle vivante.












Les couleurs de la triade dite primaire (jaune - rouge - bleu) encore dynamisée par le jeu des complémentaires (bleus - ocres orangés) procure la sensation immédiate de vivacité. Comme une tonalité majeure en musique.

La luminosité générale du tableau de jour est très sombre (des valeurs  de 40 à 90%) permettent des rehauts lumineux presque à 100% (bordure de la chevelure est quelques saillies du visage). Ce choix permet d'évoquer l'expérience du modèle, tempérant une vivacité forte, évoquée par la structure générale dynamique.










La luminosité générale du tableau du soir est paradoxalement assez claire (de 10 à 60%) tempérée par le contre-jour utilisé pour traîter le modèle. Un choix qui permet d'évoquer une maturité somme toute chaleureuse, parfois contrastée.

Les couleurs de la triade secondaire (orange - vert - violet), sans contraste complémentaire, procure la sensation d'apaisement ; la dominate chaude et ses teintes éclaircies permet d'assurer l'impression de quiétude. Si la préférence avait été donnée au violet, on aurait vu une mélancolie apparaître. C'est la tonalité dite mineure en musique.




Ces deux portraits évoquent la même personne, en utilisant des options suffisamment diverses pour permettre d'offrir un dyptique respectueux du modèle.
Elle mérite d'autant mieux ce respect et cette considération qu'elle m'offrit un total de trois heures et demie de pose (210 longues minutes) réparties en sept sessions de vingt à quarante minutes. C'est énorme et difficile à supporter pour un modèle qui n'est pas professionnel !
C'est peu pour garantir une ressemblance «photographique» mais cela permet une très bonne approche de la représentation de l'état d'esprit de la personne, tel qu'il est confié au peintre.

Diptyque d'un jour et d'un soir
NB :  Ces deux peintures sont des tempera à l'oeuf, sur papier de 41x31cm chacune.

And now, the english version by Christina..

Two portraits.

 (First picture : Mounting of two portraits)
Same person.
Natural lighting, free hair; electric lighting, knotted hair.
Living hair; dark mass.
Refined treatment; chaotic keys.
The final result must be lively, that we look at the represented faces, the faces shown, the present image (painting).

If the structure is dynamic, we can afford a measured treatment; if the paint is vibrant, the sensation of life becomes one of restlessness.
If the structure is stable, we can afford more free keys - even chaotic, under penalty of freezing the vision, turning off the lively’ spark.

The colors of the so-called primary triad (yellow - red - blue) still driven by the interplay of complementary ones (blue - orange ocher) provides an immediate feeling of liveliness. As a major key in music.

The overall brightness of the day picture is very dark. Values from 40 up to 90% allow bright highlights up to almost 100% (the edge of the hair and some facial projections). This choice permit to evoke the experience of the model, tempering a strong vitality, referred to by the general dynamic structure.

The overall brightness of the evening picture is paradoxically pretty clear. About 10-60%, tempered by the light used to treat the model. A choice that evokes a mature altogether warm, sometimes mixed, personnality.

The colors of the secondary triad (orange - green - violet) without additional contrast provides the soothing feeling; dominated by the warm and sunny colors, ensures a quiet printing. If the preference was given to purple, we would have seen some melancholy appear. This is the so-called minor tonality in music.

These two portraits evoke the same person, however using a large enough variety of options allowing a diptych respectful of the model.

She deserves all the more respect and consideration that she offered me a total of three and a half hour of pose (210 minutes long) in seven sessions fromtwenty to forty minutes. This was huge and difficult to bear for an amateur model !

It's still short to ensure a "photographic" likeness but it does allow a very good approach of the state of mind of the person, as entrusted to the painter.

(Last picture : Diptych day and night)

NB : These two paintings are egg tempera on paper 41x31cm each.

lundi 27 juillet 2015

Louys - Mme Louise Tuchschmid

Louise peint sur une petite table, assise près de la fenêtre.
(fig 1)
Louise peint depuis 35 ans. Des bouquets, des paysages sont réalisés en une technique traditionnelle d'huile et de térébenthine. Depuis peu, Louise réalise ses paysages en utilisant ses doigts pour les arbres, les feuillages (fig 1). Ses toutes dernières oeuvres, toutes récentes, adjoignent l'abstraction dans le paysage. Sur sa table, une feuille est déjà couverte d'un fond bleu. Le travail est bien avancé.

- C'est de l'huile soluble à l'eau, me dit-elle. C'est mon neveu qui m'en a parlé. Vous comprenez, ici, avec la térébenthine, ce n'est pas possible (note : nous sommes dans un établissement médico-social). Alors il m'a initiée aux crayons qui se diluent aussi avec de l'eau.

Elle me montre encore un cheval d'une esthétique remarquable, presque orientale.
- C'est mon neveu qui l'a fait, au crayon justement.

Elle m'explique, d'un air approbateur, qu'il offre toutes ses oeuvres.
(fig 2)

Elle-même a beaucoup exposé et très souvent vendu, «mais à très bas prix, uniquement pour continuer à peindre». Je lui souris ; j'avais la même attitude lorsque les enfants étaient encore notre priorité financière.
Aujourd'hui, je pratique comme son neveu : cadeau. En attendant un meilleur système de diffusion, de partage. Bref, Louise et nous (Christina est présente, ainsi que Charlotte, qui nous a introduit) nous accordons parfaitement sur cette idée que de ne pas gagner sa vie par l'art permet de vivre pleinement et librement grâce à l'art.

C'est vrai que la pièce est petite. Les murs sont tous couverts des travaux de l'année (et nous ne sommes pourtant qu'en juillet !) accompagnés de quelques grandes oeuvres, plus anciennes. Par exemple se trouve à l'honneur un grand bouquet de couleurs festives, les fleurs savamment texturées d'empâtements délicats.

Le lit prend presque toute la place disponible. Est-ce un atelier dans lequel elle dort ? Une chambre où elle peint ?

J'ai sous mes yeux la preuve évidente que Louise fait toujours évoluer son travail ; non seulement techniquement, mais aussi bien quant à la forme donnée à ses sensations, ses concepts. Mon émotion est forte. Cette pièce est un foisonnement de couleurs, de sensibilité, de travail, de vie.
Au présent.













(Oeuvres récentes)












Merci, "Louys"

Je ne peux vraiment conclure ici ce récit.
Cette rencontre est encore en train de me travailler, en profondeur, afin de prendre une place majeure dans ma mémoire.
Louise Tuchschmid a 97 ans. Nous sommes ici dans un établissement médico-social où elle s'est retirée.
 La vitalité que Louise nous a offerte ce jour-là, au travers de sa personne et de son art,  ensemence mon présent.

Pour longtemps.
















And now,

The English version of this topic, revised by Christina

Louise paints on a small table, sitting by the window.
Louise painted for 35 years. Bouquets, landscapes are made of traditional oil and turpentine technique. Recently, Louise realizes her landscapes using her fingers to do the trees and the foliage. Her latest works, all recent, subjoin abstraction into the landscape. On her table, one sheet is already covered with a blue background. The work is well advanced.

- It's water soluble oil, she says. My nephew taught me how to use it. You see here, working with turpentine is not possible (note: we are in a nursing home). Thus he also introduced me to some pencils which also dilute with water.

She also shows me a horse of remarkable aesthetics, almost oriental.
- My nephew did it, just in pencils.

She explains, approvingly, that he offers all his works as gifs. She herself has exhibited widely and very often sold, "but at very low prices, only to continue painting." I smile at her; I had the same attitude when our children were still our financial priority. Today, like her nephew, I give my works as gifts to those who are interested. Until a better distribution, sharing system is found. In short, Louise and us (this is Christina and daughter Charlotte who introduced us) sincerely believe that not trying to make a living with our artworks allows us to live fully and freely through art .

Her room is quite small. The walls are almost all covered with this year' work (and we are not yet in July!) Along with some great works, the oldest. For example, at the place of honor, stands a huge bouquet of festive colors, flowers cleverly textured with delicate impasto.

The bed takes most of the available space. Is it a workshop where she sleeps? A room where she paints?

I have before my eyes clear evidence that Louise makes always evolve its work; not only technically, but also on the form given to her feelings, her concepts. My emotion is strong. This room is a profusion of colors, sensitivity, work, life. Here and now.

I cannot really conclude this story here. This encounter is still moving me deeply, taking a major place in my memory. The vitality that Louise, 97, has offered us that day, through her person and her art, seeded my present.

For a long time.

vendredi 17 juillet 2015

Peinture et art déviants

Nous avons eu l'occasion d'aborder quelques questions sur les portraits dans ces pages. Il y a eu le portrait de mon épouse et un auto-portrait. Le dernier article exposait le portrait d’une expérience très spéciale que j’ai vécue.
J'ai senti la nécessité de m'entourer de deux nouveaux portraits, ayant chacun pour modèle la photographie en noir et blanc de peintres dont l’œuvre et la démarche artistique ont eu un grand impact dans mon propre parcours artistique. Plus qu'une influence visuelle, picturale, c'est bien plutôt d’une parenté d'état d'esprit qu'il s'agit.

Pierre Bonnard 

Bonnard (1867-1947)
Outre une évolution exemplaire et une œuvre remarquable, sa manière d'élaborer ses images témoignent d'une grande honnêteté, authenticité, pouvant aller jusqu’à l'inquiétude, tant les travaux préparatoires et le soin donné à l'observation de chaque détail prennent de l'importance et de la place dans son emploi du temps.
De plus, Bonnard était un chercheur. En groupe d'abord, parmi les Nabis. Il fit ce constat à Ingrid Rydbeck lors d'une rencontre chez lui à Deauville, en 1937 : « Voyez-vous, quand mes amis et moi voulûmes poursuivre les recherches des impressionnistes et tenter de les développer, nous cherchâmes à les dépasser dans leurs impressions naturalistes de la couleur. L'art n'est pas la nature. Nous fûmes plus sévères pour la composition. La couleur était un moyen d'expression duquel nous devions tirer davantage. Mais l'évolution fut plus rapide que nous. La société accueillit le cubisme et le surréalisme avant que nous ayons atteint ce que nous avions considéré comme notre but… Nous nous trouvâmes comme suspendus dans l'espace en quelque sorte…»
Aussi, poursuivit-il seul, presque en ermite, sa quête de vérité. Il se tenait pourtant informé de l'évolution de ses amis et de l'art dans la capitale.

Roger Chomeaux, dit "Chomo"

Chomo (1907-1999)
Élève surdoué et primé plusieurs fois au cours de sa formation de sculpteur à l’École Nationale des Beaux-arts de Paris, il en vint à rejeter l'ensemble du monde artistique de son époque. Il vécut très mal un différend qui dégénéra en scandale lors d'une exposition qui remportait pourtant un immense succès en 1960. Retranché en forêt avec femme et enfants, il fonda et construisit de ses mains le Village d'Art Préludien. Il y bâtit de nombreuses constructions, tout en sculptant, peignant, écrivant, composant et produisant même une douzaine d'heures de film.
Voici quelques une de ses sentences sur l'art :
La vitesse est une insulte au créateur 
Le temps n’existe pas dans la pensée 
Dépassée la frontière de la souffrance, c’est la béatitude 
Avoir osé aller jusqu’aux extrémités de l’âme.
L’artiste pur est un médium disponible à toutes les sensibilités 
L’art n’est pas fait pour être vendu 
Je suis riche de pauvreté, ils sont pauvres de richesse 
Quelle empreinte auras-tu laissée sur la terre pour que ton Dieu soit content ? 
etc.
Pierre Bonnard et Chomo sont pour moi des compagnons de réflexion grâce à leurs communications qui témoignent d'un lent travail de maturation et de développement artistique.
Et si l'on vendait les oeuvres de Bonnard à des prix qu'il trouvait trop élevés, il qualifiait cela de "pas convenable", et offrait directement sa peinture pour des sommes dérisoires, au grand dam de ses marchands d'art habituels.

Bonnard et Chomo : deux caractères opposés, mais un sens commun du souci d'authenticité artistique et d’une certaine pratique de l'ascèse.

J'aurais pu joindre JMW Turner à cette liste, lui qui s'y connaissait également en recherche artistique et en ascèse (il n'utilisa son immense fortune que dans le but d'une diffusion ultérieure gratuite de son art). Il était, lui aussi, un praticien de l'authenticité, jusque dans l'expression du sentiment d'une certaine sublimité. Je n'ai malheureusement fait de lui qu'un portrait ayant pour modèle son masque mortuaire, seule représentation fiable de son visage de peintre adulte. Cependant, je refuse une représentation cadavérique comme symbole d'un interlocuteur. D'ailleurs, la représentation spirituelle, mentale que je me suis fabriquée de lui au travers de sa peinture, de ses écrits et des nombreuses monographies que j'ai lues à son propos, suffit largement à mon bonheur. Je recommande par ailleurs le site de la Tate Gallery qui propose les reproductions numérisées de l'ensemble des oeuvres qu'elle abrite sous son toit.

Voilà pour cet article.
J'espère reprendre rapidement la suite de ma propre quête picturale. J'en rendrai compte bien sûr en ces pages, sans omettre de citer les quelques peintres que mon chemin m'amène parfois à rencontrer.
CopieBien - CopyRight

English résumé by Christina 

Painting and deviant art 

We take the opportunity to address few questions about the portraits on these pages. There were a portrait of my wife and a self-portrait (link to article). The last article outlined a portrait of my way of living a very special experience.
I felt the need to surround myself with two other portraits, each of them deriving from black and white photographs of painters, whose work and artistic approach had a great impact in my own artistic development. More than a visual, pictorial impact, it is rather a kindred spirit.

Pierre Bonnard 

Besides exemplary evolution and remarkable work, his way of elaborating pictures shows a great honnesty, authenticity up to worry, as the preparatory work and the care given to the observation of every detail take great importance and place in his schedule.
In addition, Bonnard was a researcher. In team first, among the Nabis, he made this observation to Ingrid Rydbeck during a meeting at his house in Deauville in 1937:
"You see, when my friends and I wanted to pursue our impressionist researches and tried to develop them, we strived to exceed their naturalistic color printing. Art is not nature. We were more severe for composition. Color was a mean of expression of which we wanted to obtain more. But the evolution was faster than us. Society welcomed cubism and surrealism before we reached what we considered to be our goal…  In a certain way, we found ourselves as if suspended in space... "
So he pursued alone, almost as an hermit, his quest for the truth. Yet, he stood informed of the evolution of his friends and of the art, in general, in Paris.

Roger Chomeaux alias "Chomo"

Gifted student and laureate of several awards during his training as a sculptor, at the National School of Fine Arts in Paris, he came to reject the entire art world of his time. Although an exhibition of his work encountered a huge success in 1960, a severe argument degenerating into a scandal caused his entrenchment in a forest he had inherited with his wife and children. There he founded and built with his own hands the Village Art Préludien. He raised many buildings, while sculpting, painting, writing, composing music and even producing a dozen hours of films.
Here are some of his sentences about art:

Speed ​​is an insult to the creator 
Time does not exist in the mind 
Once exceeded the border of suffering remains blessedness 
Daring to go to the extremities of one’s soul. The real artist is a medium available to all sensibilities 
Art is not made to be sold 
I am rich in poverty, they are poor in wealth 
What imprint will you leave on earth for thy God be pleased ? 
etc… 

Pierre Bonnard and Chomo are for me reflections companions through their communications who show a slow process of maturation and artistic development.
And if they sold Bonnard’ works at prices he considered too high, he would describe it as "not suitable" and directly sell his paintings for derisory sums, to the great displeasure of his usual merchants.

Bonnard and Chomo: two opposite characters, but a shared sense of concern for artistic authenticity and asceticism practice. I could join JMW Turner, who also knew his share about artistic research and asceticism,  to this team (he used his vast fortune to free its subsequent diffusion of art). He also was a practitioner of authenticity in the expression of a certain sublimity.
I made, years ago, a portrait of him, whose model was, unfortunately, his death mask, the only reliable representation of his adult face. Somehow, I refuse cadaver representation as a the symbol of an interlocutor. Moreover, all the spiritual, mental representations of him that I collected through his paintings, writings and the numerous monographs that I have read, widely suffice to my happiness.
I also  recommend the Tate Gallery site which offers digitized reproductions of all the works it houses under its roof.

So much for this article.
I hope to quickly resume with my own pictorial quest. Which I will relate of course in this pages, without failing to mention the few painters that my path leads me to meet sometimes.
CopieBien - CopyRight

vendredi 26 juin 2015

Autoportrait intérieur - l'autobiographie dans l'art

Un exercice pratiqué souvent par les peintres est l'autoportrait. Facile à plus d'un titre - le modèle est toujours disponible pendant la durée de la session et n'éprouve aucune susceptibilité au vu du résultat - il permet, en plus d'une introspection personnelle, de faire le bilan pratique de son art, voire d'en explorer des facettes inconnues.  Nous avons déjà parlé de tout ceci lors d'un article précédent.

Ce dont je veux parler aujourd'hui est une forme toute particulière d'autoportrait : les images qui parlent expressément d'un événement particulier de la vie du peintre. Ainsi Monet a-t-il réagi au décès de son épouse en la peignant telle que sur son lit mortuaire. On connaît Munch pour ses évocations très expressives des angoisses et désirs liés à une relation impossible avec une personne convoitée. Plus joyeusement, les maternités de Renoir montrant son épouse Aline et ses enfants au fur et à mesure de leurs croissances. Bonnard était le spécialiste de la peinture intimiste ; même ses paysages faisaient montre d'une vision très intériorisée. 
Je ne donnerai pas l'exemple de Van Gogh, car même si ses premiers travaux dans le Borinage (par exemple : Les mangeurs de pommes-de-terre) étaient très ancrés dans sa vie présente, les analyses de ses futurs travaux tenaient plus de la psychanalyse - grande spécialité des critiques d'art, comme chacun sait - que d'une véritable approche picturale de son oeuvre.


Or, ce n'est pas de psychanalyse que je veux rendre compte aujourd'hui. J'ai concentré mon énergie de la semaine à l'évocation d'une très récente mésaventure que j'ai vécue il y a dix jours. Pour des raisons qu'il est inutile d'évoquer maintenant, je me suis retrouvé en privation d'un médicament très puissant contre la douleur (opiacée). Une véritable crise de manque telle que la vivent bien trop souvent les personnes en proie à diverses toxicomanies. Il est impossible de décrire précisément les souffrances inhérentes à cet état. La douleur et la détresse sont présentes dans chaque cellule du corps.  On appelle la mort à la rescousse. L'oubli. Le néant.


Après quelques jours, tout en les étayant par une documentation glanée sur le web, je me suis mis à la recherche d'images mentales qui pourraient m'aider à extérioriser ce ressenti dont je voulais me débarrasser, tout en le transcendant. Car je dois affirmer ici que cette expérience m'a amené ensuite à revoir la vie et le monde avec les yeux d'un rescapé, d'un survivant en état de totale gratitude, de grand émerveillement.
Fort de tous ces éléments, je me suis mis à voir des bébés, foetus mort-nés, pour des raisons qu'il ne m'appartient pas de juger. Que peut ressentir un être en devenir que l'on vient chercher à renfort de scalpel et de tuyau aspirant ?
De quel manque est-il la victime  ?  Il n'a eu ni le choix de vivre, ni celui de mourir.
Inéluctable. Inévitable. Cruel. Ces trois mots me revenaient en mémoire, liés à mon expérience de la souffrance.


Je vais m'arrêter là, afin de laisser les images porter ce que je tenais à partager, à communiquer. Pour cette fois, je livre des travaux de premier jet, dont l'esthétique n'est pas travaillée, et donc non repris à la peinture, préférant l'expression brute (peut-être même brutale), dessinée comme peinte avec des blocs de graphite, de fusain de vigne et de fusain ocré.


Les quatre visages sont de format A4 ou inférieur. La descente a pour dimensions 80x60cm.
Avant l'exposition de ce travail, je voudrais encore témoigner du soutien et de l'amour que mon épouse Christina a manifesté à mon égard, tant pendant la crise elle-même, que lorsque j'ai choisi de la mettre en image de la manière la plus authentique qui soit. Lui rendrai-je assez hommage au travers de mes peintures...
[Please, see the english traduction of this topic after the pictures ]




Descente


English traduction by Christina

Inside Self Portrait - autobiography in art

An exercise often practiced by painters is the self-portrait. Easy for several reasons - the model is always available for the lenght of the session and feels no susceptibility given the outcome - it allows, in addition with a personal introspection, to focus on the practical results of one's art, or to explore unknown facets. We have already discussed all this in a previous article.


What I want to talk about today, is a very special form of self-portrait: the images that speak specifically of a particular event in the life of the painter. Thus, Monet reacts to the death of his wife by painting her on her deathbed. Munch is known for his expressive anxieties evocations as well as for his desires related to an impossible relationship with a coveted love. More happily, Renoir's maternity show his wife Aline and their children as they grow. Bonnard was the specialist of intimate painting; even his landscapes showed a very internalized vision.


I shall not give the example of Van Gogh because, although his early work in the Borinage (see The Potatoes Eater) was  very rooted in his present life, analysis of his future work related more to psychoanalysis - great specialty of art critics, as everyone knows - than to true pictorial approach.
Yet it is not psychoanalysis that I want to develop today. I focused my week's energy on the evocation of a very recent misadventure that I experienced ten days ago. For reasons which need not be mentioned now, I found myself deprived of a very potent pain reliever drug (opioid). A real withdrawal symptom as too often suffered by people subject to various addictions.


It is impossible to accurately describe the calavary endured in this state. Pain and distress are present in every cell of the body. One is calling death to the rescue. Forgetfulness. Nothingness. After a few days, self supporting them with images found on the web, I started to search representations that could help me to externalize this feeling I wanted to get rid of as well as trensend. However, I must state here that this experience brought me to open my eyes to the life and the world with the look of a survivor. A survivor in a state of total gratitude and wonderment.


Considering all above elements, I began to see babies, stillborn foetus, for reasons that are not mine to judge. What can a potential being resent when beeing tortured by a scalpel, sucked through a hose ? Of wich lack is he the victim? He has neither the choice to live, nor die.
Ineluctable. Inevitable. Cruel. Those three words wandered through my memory, related to my experience of suffering.


I'll stop there, to let the picture communicate what I want to share. For this time I shall deliver a first draft work. Whose aesthetic is not worked and therefore does not include painting, I did prefer the raw (rough ?) expression, (possibly brutale), designed as if painted with graphite block, charcoal vine and ocher charcoal.


The four faces are of A4 dimensions or smaller. The descent of 80x60cm dimensions.


Before the exposure of this work, I wish to testify about the support and love that my wife Christina has expressed to me, as well during the crisis itself than when I chose it to be imaged in the most authentic way ever. I shall give her tribute through my paintings ...

lundi 18 mai 2015

Le masque ou le voile

Les yeux sans visage (1960) gouache, pastel, tempera

Objectif

Désireux de passer un temps de recherche purement formelle, j'ai travaillé plusieurs petits formats dont le prétexte était une réflexion sur le masque et le voile.
Ces petites études ont pour modèles des images extraites de films en noir et blanc. En tant que telles, elles ne peuvent que servir d'études, rien d'autre, puisque je ne possède pas les droits de reproduction.
D'ailleurs les reproductions que vous voyez sur cette page sont totalement impropres à l'impression numérique.
Sur un plan purement technique, elles sont essentiellement libres, mêlant la tempera, la gouache et le pastel, voire le fusain.
Trois d'entre elles ont parfois complètement été recouvertes d'un voile de peinture, ceci afin d'en couvrir les trop nombreux détails ou la trop grande netteté.
Pourquoi est-ce important ?


Illusions de détails

Vampyr (1932) gouache, pastel
L'une des plus intéressantes tâches de l'artiste est de déterminer ce qu'il doit nommer, suggérer et laisser aux propres projections de son interlocuteur. 
Ne pas assez dire revient à se taire, mentir par omission, induire en erreur ou conduire à l'indifférence.
Trop en dire devient attitude bavarde, pédante peut-être, voire même tourner à l'obscénité. L'interlocuteur ne peut que subir le flot d'informations, ad nauseam, sans aucun espace pour sa propre sensibilité ou/et intelligence. Son esprit est au mieux saturé, envahi dans les pires occurrences.
L'artiste désireux - en plus de s'exprimer ou de «s'approprier» son sujet - de communiquer ses perceptions en une vision, peut s'offrir la mission d'éveiller l'esprit de son interlocuteur, de partager son pain avec celui qui devient de facto son compagnon. 


Couche après couche

Vampyr (1932)  gouache, pastel, tempera
L'une de mes principales difficultés, lorsque je peins ou dessine, et de trop dessiner, préciser, dans les couches dévolues à la structuration de la composition et à la «mise en énergie» de la surface, étape fondamentale sur laquelle repose l'essentiel de la communication spirituelle.
Or, si ces couches où se manifeste la compréhension au sens le plus large sont amputées ou étouffées dans l'oeuf par des éléments chargés de définir, des lexiques, la crainte de recouvrir ou d'enfouir ces derniers par la mise en place de couches additionnelles rend anxieux . 
C'est tout le processus qui se trouve inhibé.
Je dois donc faire intervenir les "détails" le plus tard possible, ne pas trop dessiner dès le début, mais bien ébaucher. C'est simplement indispensable à l'évolution complète et harmonieuse de tout mon processus créatif et communicatif. Sinon, l'oeuvre se trouve amputée, invalidée.
Convict 13 (1920)  gouache, tempera, pastel
Pourquoi, en effet, écrire une danse ou un chant sans musique ?
Le mieux pour y parvenir, sachant que j'ai une vision très aiguë et détaillée, est de centrer cette vision sur chaque aspect, d'abord l'esprit, puis l'énergie (les deux sont proches), les structures lumineuses, les textures (les deux sont proches), les couleurs locales si nécessaires, les détails lexicaux enfin, dans la mesure où ces précisions sont utiles.
Je me rends parfaitement compte, en faisant cette liste, que détailler dès les premières interventions ne peut qu'être un handicap, SAUF à stopper le processus, le simplifiant alors à l'extrême. Les critiques parlent alors d'économie de moyens. C'est parfois pertinent, parfois un peu... court.
Il est vrai, cependant, que peu de gens acceptent ou supportent de s'arrêter plus de 10 secondes à contempler une image. C'est donc le risque de prêcher dans le désert qui est pris par le peintre exhaustif. Jeter des perles aux cochons, entend-on parfois.


Le modèle est-il essentiel ?

On peut distinguer le modèle, qu'il faudrait reproduire, de celui qui sert de source d'inspiration.
L'impulsion qui me pousse en tant que peintre à agir peut-être de deux ordres :

  • Emotion visuelle qui marque mon affect au point que j'ai envie de la partager 
  • Emotion spirituelle que je désire partager par le biais d'une image

En général, il m'est souvent difficile de dire laquelle des deux vient avant l'autre, car presque toujours elles sont intimement liées dans mes intuitions poétiques, artistiques.
Presque toujours je vis ma peinture comme une oraison, une sorte de prière très intime.
Je dirais donc que le modèle m'est essentiel, au moins jusqu'au moment où je décide de prendre le pinceau.
Ensuite, il arrive qu'une trop grande fidélité au modèle nuise à mon expression, dans la mesure où l'intuition que je désire peindre et partager est parfois très ténue, très subtile. C'est alors que l'image doit progresser en un dialogue entre elle et moi, le modèle étant prié de demeurer discret, au moins pour un temps.
Il peut même arriver que je doive sciemment occulter ou oblitérer une partie de l'image, pour que puisse éclore le véritable sujet. Nous en avons déjà parlé ci-dessus, je n'insiste donc pas plus.
Reste que si le sujet est un portrait, la représentation d'une personne à part entière dont je désire reproduire l'essence telle que je la perçois sur la surface picturale, alors oui, dans ce cas, le modèle doit primer jusqu'à la touche finale de l'exécution du tableau. Le dialogue s'institue entre le modèle et sa représentation, par le regard et les gestes du peintre.
City Lights (1932) fusain, tempera, pastel

English résumé


What is a mask, what is a veil, are they lying, or telling a truth for you to discover. As a painter, I prefer a poetic truth which gives the happiness to the viewer to discover one's own truth.
So it's my responsibility to use every proper technique to veil the subject and give it the stature of a real subject.

samedi 7 mars 2015

Etude sur autoportrait

étape 1
J'ai pour habitude d'utiliser mon visage comme modèle à chaque fois que j'essaie une nouvelle façon de peindre.
En effet, la peinture, l'art en général, représente pour moi un apprentissage constant.
Je suis depuis toujours incapable de m'en tenir à une manière de faire. L'exploration aurait pu être - est - mon second pôle d'attraction.
C'est ainsi que j'ai remis mon tablier et repris mes différents produits pour tenter de trouver de nouvelles manières de coller les pigments sur ma surface picturale. Jusqu'ici, venant des techniques plutôt aquarellées, j'avais tendance à utiliser essentiellement des pigments transparents et des superpositions de glacis pour atteindre mes coloris et mes lumières. Une seule concession à l'opacité :


étape 2
j'avais introduit le blanc de zinc mélangé d'une petite quantité de titane, afin que mes voiles demeurent les plus translucides possibles, quitte à en superposer plusieurs couches.

J'ai fabriqué récemment une cire saponifiée, diluée en trois consistances : lait, crème et ... beurre. La cire me permet d'épaissir ma couleur tout en utilisant l'eau comme diluant. D'autres préfèrent la faire fondre dans l'essence de térébenthine rectifiée. Je le ferai peut-être aussi, mais uniquement si j'ai déjà de la térébenthine dans ma tempera, en utilisant de la résine dammar par exemple. Pour saponifier la cire, il faut la faire fondre dans de l'eau et la disperser au fouet après avoir ajouté du carbonate d'ammonium. Attention à la mousse abondante ! 

étape 3
Proportions pour le lait de cire saponifiée :
10 vol d'eau déminéralisée
2 vol de cire d'abeille blanchie
2 vol de carbonate d'ammonium
(Attention, pas le bicarbonate de soude utilisé en cuisine !)

J'ai également allumé mon four (150°C  pendant 12 heures) pour y faire chauffer de la fécule de pomme de terre afin de la transformer en dextrine. Il suffit de l'étaler sur du papier blecherin en couche d'environ 1 centimètre d'épaisseur. On obtient une hydrolyse beaucoup plus homogène en remuant l'amidon toutes les 30 minutes.
J'ai également obtenu une dextrine brune qui fonctionne parfaitement comme liant en poussant la température à 200°C et en réduisant la cuisson à deux heures. Elle devient moins acide, même basique.
étape 4
Le gain de temps est considérable, mais la couleur brune de la dextrine teint un peu les couleurs clairs. 
On pourrait très bien utiliser la dextrine blonde pour les couleurs fines et la dextrine brune pour les couleurs de terre (ocres et autres argiles) et les oxydes de fer.
Ce liant me plaît beaucoup car il me permet de rester dans les couleurs aqueuses et donc de garder une certaine simplicité de mise en oeuvre. Il est aussi bien meilleur marché que la gomme arabique, surtout si l'on tient compte du fait que les patates poussent chez moi alors que acacia senegal et acacia arabica poussent en Afrique.
L'art n'est pas fait pour polluer.

étape 5
Je ne vois aucune raison pour que mes colles fassent 5000 kilomètres avant de finir sur l'un de mes tableaux ou études.
Je ne suis cependant pas ici pour m'exprimer sur les effets pèervers de la mondialisation.

Bref, j'ai donc ajouté de la cire d'abeille à mes tempera et j'ai fabriqué mes gouaches d'études pour vraiment pas cher.
La tempera me sert pour les travaux achevés et la gouache me permet de mettre en place la stratégie de leurs réalisations en utilisant des couleurs opaques.
Car c'est là que réside la nouveauté pour moi : l'opacité pour monter vers la lumière plutôt que la transparence pour la préserver ou l'utiliser pour éclairer mes couleurs par en-dessous.

étape 6
Vous pouvez voir sur les images de cet article que dès la deuxième étape j'utilise un ocre jaune opaque et qu'à partir de la quatrième reprise toutes les couleurs sont opaques.

J'ai utilisé quelques glacis de règlage vers la fin, surtout pour affiner l'harmonie de l'image.

L'essai, bien qu'imparfait, est concluant. J'ai eu beaucoup de plaisir à travailler ces pâtes pigmentées et c'est déjà une bonne raison de continuer à les utiliser. Bien sûr, j'ai eu le sentiment d'une petite régression dans mon expression, dans la mesure où la technique occupait mon esprit souvent autant que l'aspect artistique. Des exercices nombreux à la gouache devraient me redonner rapidement l'aisance que j'ai avec les couleurs translucides.


le travail achevé
Utiliser mon image comme sujet d'essai me permet d'avoir un modèle très disponible ! De plus, l'exercice est amusant et je peux comparer dans le temps l'évolution de ma personne et de l'image que j'en donne.
J'avoue cependant, que l'enjeu est beaucoup plus intime qu'on pourrait le croire. A plus forte raison si le résultat devient publique. Présenter mon image sur ce blog est intéressant pour l'aspect technique, mais cela me remet surtout à l'esprit que je dois un respect immense à tous ceux qui ont bien voulu être mes modèles jusqu'à maintenant et ceux qui voudront bien le faire ultérieurement.
Qu'ils en soit ici et dès maintenant encore remercié  :o)


English Résumé

I've tried to incorporate opaque painting in this picture. Until now, I used to preserve the white of the underground which provides the translucent light to my transparent coats. This was the watercolour principe, adapted to my different tempera medium.
This time, I have to provide a new light on top of the previous coats like every painter does with oil paint.
To make my tempera more stiff and opaque, I need saponified beeswax and homemade blond dextrine (from potatoe starch). Both of them can be diluted with water, which keeps the whole process quite simple.
The wax will make my tempera mors stiff like chalk does.
The dextrin will bind my pigments and make a very affordable gouache for study.

samedi 17 mai 2014

femina - tout simplement

J'ai choisi de présenter le plus simplement possible le processus créatif du portrait de Christina.
Son titre : femina.
J'ai utilisé comme Fil d'Ariane le manifeste et les réflexions exposées lors de mon dernier article "Peindre consciemment", paru le 24 avril dernier.
Donc, pour résumer, j'ai monté deux palettes : une pour l'élaboration des structures et l'autre pour les sensations colorées.
Comme les images sont plus parlantes, lorsque l'on parle de peinture, en voici quelques unes, celles des étapes clefs.

le dessin







le verdaccio




la meluzzina



sensations colorées


rehauts et harmonisation





 Pour une image haute résolution, cliquer sur l'image ci-dessous


De chuchotements-printables-max-2048px

Résumé

On peut encore mieux se rendre compte de l'évolution du processus en regardant cette petite animation de 38 secondes :




English Résumé


I chose to present as simply as possible the creative process of the portrait of Christina.
Its title. femina
I used as breadcrumb manifest and the opinions expressed in my last article "Paint consciously", published on April 24
Filmography So to summarize, I mounted two palettes: one for the development of structures and one for colored sensations
As pictures speak louder when we talk. paint, here are a few, those key steps.