mardi 18 février 2014

TEMPERA sur MDF

__  Objectifs

    Est-il possible de peindre avec des tempera maigres et grasses sur un panneau de mdf, sans s'imposer l'application du gesso ou le marouflage d'un papier ou d'une toile ?
    Il s'agit de simplifier encore le processus artistique, sans péjorer sa qualité ni sa pérennité.
    Les règles à respecter pour cela concernent la porosité de la surface à recouvrir, qui diminue en fonction de l'augmentation de la phase huileuse.
Nous devons tenir compte d'une très grande porosité du mdf brut, qui agit comme une véritable éponge en présence d'eau. Or une émulsion contient une part d'eau non négligeable. Il faut donc diminuer la capacité d'absorption du mdf, sous peine de voir le pigment demeurer en surface, privé de son liant et donc prêt à retourner à la poussière.




__  Protocole

    Je propose donc de mettre deux couches de gélatine jouant le rôle de bouche-pores. Ceci se fait sur les deux faces et les quatre tranches.
première couche
première couche
Ensuite, après un ponçage assez fin (grain 320) on applique sur les tranches et le verso une tempera moyennement liquide de terre d'ombre naturelle (couleur très siccative et relativement neutre, bien qu'assez sombre ; rien n'empêche d'utiliser du blanc de titane-zinc ou tout autre pigment solide et séchant assez rapidement).
Selon l'efficacité des deux couches préalables de gel, deux couches de tempera sont suffisantes à assurer une bonne imperméabilité des faces non picturales. En cas de doute ou de pulsion perfectionniste on peut sans autre passer une troisième couche qui fera de cet envers une merveille de sombre chaleur. Georges de la Tour ne l'aurait pas renié.

On peut à ce stade considéré que le panneau est encapsulé et prêt pour les finitions de la préparation du recto, soit de la face qui sera le support de l'image.
seconde couche
seconde couche
Voici comment : 
- après un ponçage fin (grain 400 ou plus), on applique une nouvelle couche de gélatine, augmentée de 5 à 10 % de jaune d'oeuf. Ce dernier rendra le feuil de gel moins friable et plus accueillant pour les ébauches et autres sous-couches.

NB : On peut, si les deux premières couches de gel vous semblent suffisantes, passer directement à l'ébauche ; c'est alors cette dernière que l'on couvrira du mélange gel-jaune ou, plus simplement, d'une couche de médium de base dilué avec trois volumes d'eau distillée (elle ressemble à un papier marouflé et préparé au médium de base (voir l'article "Préparation du papier pour tempera grasse").

 Note : A ce stade, aucune mention de fond lumineux (en remplacement d'un gesso blanc) n'a été faite.

Le mdf est de couleur terre de sienne (grosso modo) et permet une ébauche facile puisque fonctionnant immédiatement comme demi-ton ; restent à poser les lumières et les ombres.
Il est possible de donner le fond lumineux ensuite, lors de la pose de la couche de médium de base protectrice, en lui ajoutant du blanc 'titazinc' par exemple. Une première passe serait juste suffisant pour éclaircir sans anéantir l'ébauche, les lumières fortes pouvant être affermies par des vellature ultérieures.

    Ceci dit, rien n'empêche d'ajouter un pigment blanc à la préparation de gel enrichi d'oeuf que nous posons avant l'ébauche.

Quoi qu'il en soit, ce sont les différentes couches de tempera au jaune d'oeuf qui parachèveront l'encapsulation du panneau de mdf et le protégeront des tentations d'absorber l'éventuelle humidité ambiante.  En contrepartie, la couche picturale ne pourra être endommagée par des gonflements ou des moisissures provenant de l'intérieur du panneau.

__  Conclusion

Cette méthode, bien que ressemblant à une traditionnelle préparation au gesso est néanmoins beaucoup plus économique en peine et en temps.
En effet, nul besoin de préparer des enduits nécessitant une certaine température et donc la mise en oeuvre d'un bain-marie.
Nul besoin d'être hyper-fin lors de la pose de la tempera : deux voire trois couches et votre surface est parfaitement régulière. Au demeurant, ce n'est pas la surface picturale qui est enduite. Le ponçage progressif du gesso jusqu'à une granulométrie de 600 voire 1000 n'est plus qu'un souvenir.  Si par nostalgie on désire poncer la surface du mdf aussi finement, on peut le faire sans problème et sans laisser de trace : le mdf est parfaitement docile.
Pour terminer la liste des avantages, retenons le fait que si le panneau se voile très légèrement lors de l'application des deux premières couches de gel, il se redresse parfaitement lors du séchage.  Les couches de tempera provoque le même phénomène, mais d'une manière encore plus ténue, la tempera séchant beaucoup plus vite que le gel et ne pouvant,grâce à ce dernier, qu'à peine pénétrer encore la surface.
C'est ainsi que pour quatre panneaux totalisant un demi mètre carré il ne m'a fallu qu'un total de deux heures de travail, y compris la préparation du gel et de la tempera, du lavage du matériel et du rangement de l'atelier.
Vous ajoutez à cela les temps de séchage, soit un quart d'heure entre les deux couches de gel et une nuit avant de passer la première couche de tempera. La deuxième couche peut se passer quasi immédiatement  :o)

Franchement, je ne passerai plus mon temps à poser du gesso, sauf  crise irrépressible de nostalgie. Quant au marouflage du papier d'aquarelle, je le garderai pour des panneaux qui ne présenterait pas une surface favorable, ou pour prolonger un dessin en peinture si l'envie m'en prenait.
le résultat
Le résultat

Pour la petite histoire

Cette idée de peindre sur panneau brut me trottait dans la tête depuis des mois.   J'ai sauté le pas après avoir lu le Compendium de Jacques Blockx offert par un ami de Belgique -qu'hommage lui soit ici rendu une fois encore- et dans lequel le mettre préparateur explique qu'on peut et même devrait peindre sur bois brut pour une excellente conservation ; la précaution à prendre serait de bien nettoyer le panneau à l'essence de térébenthine (pour éviter que de l'eau ne voile le panneau de bois) et «de les enduire ensuite d'une mince couche d'huile pour favoriser l'adhérence et pour empêcher les couleurs de s'emboire outre mesure». Il ajoute qu'on peut remplacer l'huile par l'application au tampon de gomme-laque (lire les pages 23 et 49 de l'édition de 1921).
Ce qui m’amena à penser qu'on pourrait enrichir la tempera de terre d'ombre avec du vernis dammar. Mais ne sachant pas comment cette résine dammar réagit en présence des composants résineux du mdf, j'ai préféré m'abstenir de cette adjonction pour le moment.  Il faudrait faire des essais à long terme ou trouver le renseignement ailleurs que là où j'ai déjà longuement cherché  :o)



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